INTERDICTION DE LA VENTE AUX PARTICULIERS
Le gouvernement oublie les pesticides à base de glyphosate
Montréal, le 23 février 2023 — Hier, on a pu lire dans la Gazette officielle du Québec (1), que le gouvernement propose d’augmenter le nombre de pesticides interdits à la vente aux particuliers en modifiant l’annexe 1 du code de gestion des pesticides.
On passe de 22 à 61 matières actives visées par l’interdiction.
Cette annonce fait suite au cadre d’intervention pour une gestion responsable des pesticides du ministère de l’Environnement (2), où il prévoyait en 2021 de « tripler le nombre de pesticides interdits en milieu urbain ».
« C’est une bonne nouvelle de voir que cette liste inclut enfin des pesticides dont les impacts sur la santé et l’environnement sont les plus importants » souligne Laure Mabileau, responsable de la campagne Sortir du glyphosate.
« Cependant, il est difficilement compréhensible de constater l’absence, en 2023, des pesticides à base de glyphosate dans cette liste ».
En effet, depuis plusieurs années, l’accumulation des preuves scientifiques ne laisse plus place au doute quant à la dangerosité du Roundup, le plus courant des pesticides à base de glyphosate. En 2015, le glyphosate, principal ingrédient de la formule Roundup de Monsanto, a été catégorisé cancérigène probable chez l’humain (catégorie 2A) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC/IARC) de l’Organisation mondiale de la santé en 2015 (3). Puis en 2016, les Monsanto Papers ont révélé des correspondances internes montrant que la firme Monsanto (désormais Bayer) savait depuis 1999 que son produit était potentiellement cancérigène.
Cette année, l’entreprise Bayer a annoncé qu’elle retirera elle-même du marché le Roundup pour les particuliers aux États-Unis (4) : si l’industrie n’attend plus, il est plus qu’urgent que les instances gouvernementales emboîtent le pas. Par ailleurs, de nombreuses municipalités ont ou souhaitent interdire la vente de ces pesticides controversés dont Montréal et Granby.
« Il est grand temps que le gouvernement caquiste interdise les pesticides à base de glyphosate en milieu urbain pour l’ensemble du territoire » réclame Mme Mabileau. « Combien de victimes supplémentaires le gouvernement attend-il avant d’agir ?»
Aux États-Unis, plus de 100 000 personnes ont poursuivi Bayer, compagnie qui a racheté Monsanto en 2018. Bayer a déjà dû dédommager une partie des demandeurs pour un montant de 11 milliards de dollars et de nombreuses poursuites sont encore en cours. Au Québec (5) et au Canada (6),deux recours collectifs ont été lancés en 2019.
Par ailleurs, la pratique à viser en termes de gestion de risques face aux pesticides repose sur l’instauration d’une liste blanche. La liste blanche est une valeur sûre, car elle permet de choisir tous les produits qui sont acceptés et « inverse » le fardeau de la preuve. Elle permet d’éviter le report vers de nouvelles molécules : dans le contexte actuel où les compagnies jouent beaucoup sur l’arrivée d’une nouvelle molécule pour remplacer celle qui vient d’être réglementée, cette variation est primordiale.
« Avec une liste blanche, on protège en amont les populations puisqu’il ne faut pas faire la preuve de la dangerosité d’un produit pour le retirer : on comprendra que, dans tous ces cas, le mal est fait », explique Laure Mabileau.
D’un point de vue du législateur, la liste blanche est donc l’approche la plus efficace et la plus sécuritaire. Aujourd’hui, seuls quelques terrains plus sensibles y sont assujettis, comme les abords des écoles et des CPE (7). « Il faudrait étendre ces zones, qui ne sont pas les seules dans la ville à être fréquentées par nos enfants ».