participation consultation pesticides

Consultation

Réglementation des pesticides

| Publié le
Consultations pesticides

Démission, augmentation des LMR et faibles propositions.

Rappelez-vous, il y a deux ans, c'était la période des élections fédérales. Durant cette période, Santé Canada proposait d’augmenter la limite maximum de résidus (LMR) sur de nombreux aliments, dont celles du glyphosate (Roundup) à la demande de son fabricant Bayer/Monsanto : le public a crié à l'injustice et le gouvernement a suspendu la proposition.


En parallèle, un « programme de transformation » a été lancé pour rendre plus transparente l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) : une nouvelle équipe a été mise en place et le Comité consultatif scientifique sur les produits antiparasitaires (CCS-PA) a été créé pour conseiller l'ARLA.


Nous voici donc deux ans plus tard, presque 42 millions de dollars plus tard, et des milliers d'heures de consultation sur le « programme de transformation » plus tard... et où en est-on ?

1. Le co-président du Comité consultatif scientifique a démissionné, invoquant « [...] nous ne pouvons plus continuer à compter sur un système de réglementation obsolète qui protège l'industrie des pesticides plus qu'elle ne protège les Canadiens »;


2. La « pause » a été levée, conformément à l'annonce du 20 juin 2023 ; et la première augmentation proposée vise à multiplier la LMR du fludioxonil par 200 sur les racines de betteraves sucrières, à la demande de son fabricant (Syngenta);


3. Le résultat du programme de transformation est un avis d'intention NOI2023-01 pour de nouveaux « prétendus » règlements, qui ne font rien pour réduire les pesticides, et font tout pour maintenir le statu quo tout en continuant à augmenter les limites maximales de résidus (LMR).

 

Envoyez vos commentaires


L'ARLA accepte les commentaires sur la NOI2023-01 jusqu'au 8 septembre 2023, nous vous fournissons ci-dessous des réflexions, des explications et commentaires suggérés. Ces derniers peuvent être soumis par courrier électronique aux adresses suivantes :


ARLA : pmra.regulatory.affairs-affaires.reglementaires.arla@hc-sc.gc.ca
Cc : Ministre de la Santé : hcminister.ministresc@hc-sc.gc.ca
Cci : Vigilance OGM : contact@vigilanceogm.org

 

Commentaires pour la soumission :


Ces commentaires ont été préparés en collaboration avec Safe food matters 


Il y a 4 propositions. Elles traitent de :

 

  • faciliter l'accès aux données d'essais confidentiels (DEC)
  • améliorer la transparence des limites maximales de résidus (LMR), 
  • de la possibilité pour le ministre de demander les informations disponibles sur les effets environnementaux cumulatifs ;
  • renforcer la prise en compte des espèces en péril dans les évaluations des risques


Vous trouverez les commentaires spécifiques suggérés puis des explications plus détaillées pour les 4 propositions ci-dessous.


A) Commentaires sur les données d'essais confidentiels (DEC) :


La proposition relative aux DEC vise à permettre une analyse plus poussée à des fins de « recherche ou de réanalyse ».  


Pour répondre à cette proposition, nous recommandons que : 

•    Préciser que l'emplacement des laboratoires, les sponsors des études et les noms des chercheurs ne soient pas confidentiels et doivent être divulgués.
•    Autoriser le stockage des données par les membres du public 
•    Préciser que les membres du public sont autorisés à utiliser les données dans leurs commentaires publics.
•    Définir de manière précise les données d'essai confidentielles - avec des exclusions claires pour les évaluations menées par l'ARLA, y compris les mémos, les monographies et les modèles menés par l'ARLA.
•    Exiger de l'ARLA qu'elle donne accès aux données d'essai confidentielles pendant les périodes de consultation publique et qu'elle prolonge les périodes de consultation publique pour faciliter cet accès.
•    Prévoir une procédure d'appel auprès du bureau du commissaire à l'information ou d'un autre tiers indépendant si les dispositions relatives à la confidentialité sont appliquées de manière incorrecte ou excessive.
•    Lorsque des informations commerciales confidentielles et des informations relatives à la vie privée sont « protégées » ou « censurées », la base juridique et la justification de ces « censures » doivent être exposées, et la procédure d'accès à ces données doit être précisée.


    B) Commentaires sur les limites maximales de résidus (LMR):


    La proposition relative aux LMR prévoit que l'ARLA émette un avis lorsqu'une augmentation est proposée. Elle permet toujours d'appliquer la LMR la plus élevée d'une LMR « d'importation » aux LMR canadiennes, de manière générale, en utilisant des données internationales. 


    Pour répondre à cette proposition, nous recommandons que : 

    • Les Canadien.ne.s veulent une réduction des risques liés aux pesticides sur leur santé et celle de l’environnement. Un simple avis pour prévenir que nos aliments peuvent contenir davantage de produits chimiques toxiques comme Santé Canada propose va à l'encontre des demandes des citoyen.ne.s.  Il faut une réglementation sur la manière de réduire les risques liés aux pesticides basée sur la science indépendante et transparente.
    • Des LMR distinctes sont nécessaires pour les aliments cultivés au Canada et pour les aliments importés. Si un type d'aliment est à la fois cultivé au Canada et importé, il faut appliquer la LMR canadienne aux deux.
    • Des contrôles sur le terrain sont nécessaires pour vérifier la conformité avec les étiquettes d'application/de pulvérisation canadiennes.
    • Les LMR doivent être fixées sur la base de données scientifiques ouvertes, pertinentes et fondées sur des données réelles de consommation et d'essais sur le terrain provenant du Canada.
    • Mettre sur pied un groupe de travail chargé d'élaborer une LMR canadienne fondée sur les conditions d'étiquetage nationales.


    C) Commentaire sur les informations relatives aux effets environnementaux cumulatifs :


    La proposition relative aux effets cumulatifs sur l'environnement exige que le ministre prenne en considération les effets cumulatifs sur l'environnement des pesticides qui ont un mécanisme de toxicité commun (lorsqu'ils sont disponibles) et donne au ministre le pouvoir explicite d'exiger la présentation de ces informations disponibles.


    Pour répondre à cette proposition, nous recommandons d’ : 

    • Obliger les fabricants de pesticides à obtenir et à fournir les informations sur les effets cumulatifs auprès d'une tierce partie indépendante et digne de confiance ;
    • Évaluer les effets cumulatifs de l'ensemble du produit, et pas seulement de l'ingrédient actif ;
    • Supprimer l'exigence d'un « mécanisme commun de toxicité » et se concentrer plutôt sur les effets.


     D) Commentaires sur les informations relatives aux espèces en péril 


    La proposition relative aux espèces en péril confère au ministre le pouvoir explicite d'exiger la présentation des informations disponibles sur les espèces en péril.

    Pour répondre à cette proposition, nous recommandons d’ : 

     

    • Obliger les fabricants de pesticides à obtenir et à fournir les informations sur les espèces en péril auprès d'une tierce partie indépendante et digne de confiance;
    • L'ARLA devrait fournir un pouvoir réglementaire explicite concernant l'évaluation des dommages causés au climat, à d'autres espèces en péril et à d'autres secteurs de l'environnement (notamment l'air, l'eau et la biodiversité) qui découlent de l'utilisation des pesticides.

     

    Explications complémentaires pour les commentaires :  


     A) Accès aux données d'essai confidentielles (DEC)


    L’avis d'intention propose de "permettre l'inspection des DEC à des fins de recherche et de réanalyse".  Nous souhaitons qu'il soit clair que les autorisations sont accordées lorsqu'une personne inspecte aussi les DEC à des fins d'examen et de vérification.   
    Un autre problème est que lorsque des informations commerciales confidentielles et des informations relatives à la vie privée sont protégées, l'ARLA se contente de noircir (caviarder) les informations et, au mieux, de dire "allez demander à ces autres départements comment accéder à ces données".


    L'ARLA doit confirmer que les caviardages sont conformes aux exigences légales, au lieu de caviarder simplement parce qu'on lui dit qu'il s'agit d’ informations commerciales confidentielles qui ne peuvent pas être divulguées.


    B) Limites maximales de résidus (LMR)


    Gonflement artificiel des LMR canadiennes, absence de contrôles de conformité, répercussions sur les producteurs

    L'ARLA pense que le problème est que nous ne comprenons pas le processus d'établissement des LMR " d'importation ", et c'est pourquoi elle souhaite mettre en place plus de " transparence ".  Dans son avis d’intention NOI2023-01, l'ARLA propose de publier un avis public, à titre d'information uniquement, en cas de demande d'augmentation des LMR à l'importation. Il n'est pas précisé si la partie qui demande l'augmentation doit être nommée. Elle suppose que la raison de la demande est d'aligner les LMR au niveau international.


    À l'exception d'une nouvelle notification, rien ne change.  Le fonctionnement actuel est le suivant : une entreprise de pesticides qui souhaite une augmentation des niveaux de pesticides indique un type d'aliment cultivé dans un autre pays selon des instructions différentes sur l'étiquette concernant la manière de pulvériser. L'ARLA approuve les niveaux élevés pour les importations de cet aliment. Le problème est que l'ARLA augmente ensuite la LMR pour tous les aliments de ce type cultivés au Canada jusqu'à ces niveaux "d'importation" - l'ARLA suppose que tous ces aliments ont ces niveaux aux fins de l'évaluation du risque alimentaire. 


    L'ARLA affirme que nous ne devrions pas nous inquiéter, car lorsque les étiquettes de pulvérisation au Canada sont respectées, il n'y aura pas de niveaux élevés dans les aliments cultivés au Canada. Le problème est qu’au Canada personne ne vérifie la manière dont les pesticides sont pulvérisés dans les et qu'il s'agit donc d'une assurance vide de sens.


    L'ARLA affirme que les niveaux de pesticides dans les aliments sont inspectés ultérieurement par l'ACIA et que si les LMR sont dépassées, cela signifie que les étiquettes ne sont pas suivies correctement et qu'il y a donc un suivi.  Toutefois, même lorsque les étiquettes canadiennes sont respectées, les concentrations peuvent être élevées, comme l'ont montré de récentes recherches d'Agriculture Canada.  À moins que quelqu'un ne vérifie la façon dont les pesticides sont pulvérisés dans les champs, il n'y aura aucun moyen de corriger les étiquettes canadiennes qui entraînent des niveaux élevés et inattendus. Cela augmente le risque lié aux pesticides.


    Augmenter artificiellement les LMR canadiennes a des répercussions négatives sur les agriculteurs et l'industrie biologique du Canada :


    ● Les normes biologiques canadiennes sont liées aux niveaux auxquels les LMR sont fixées au Canada, de sorte qu'une augmentation artificielle de la LMR canadienne entraîne une augmentation réelle des niveaux autorisés dans les aliments biologiques canadiens. La contamination involontaire devient de plus en plus problématique. Elle est prise en compte dans le protocole de test des produits biologiques, qui est basé sur 5 % de la LMR. En d'autres termes, toute augmentation des LMR signifie que les produits biologiques bénéficieront d'une augmentation de la quantité de pesticides autorisée au Canada, mais pas dans d'autres juridictions commerciales où les limites légales sont souvent inférieures. Cela aura un effet direct sur le secteur biologique et ne fera qu'exacerber la perte d'hectares et de marchés biologiques. Pour les produits biologiques et les autres secteurs qui dépendent de marchés très sensibles aux niveaux de pesticides, cela représente un risque important et direct. 


    ●La solution rationnelle à ces problèmes consiste à fixer des LMR distinctes pour les aliments importés et les aliments cultivés au Canada et à vérifier la conformité sur le terrain avec les étiquettes d'application canadiennes. Nous avons besoin de LMR distinctes pour les aliments cultivés au Canada et les aliments importés, et l'ARLA peut effectuer un DRA en utilisant ces deux LMR en fonction des quantités importées. Si un type d'aliment est à la fois cultivé au Canada et importé, la LMR canadienne devrait s'appliquer aux deux. Dans le cas contraire, les Canadien.ne.s et l'ARLA ne peuvent pas être sûrs que les aliments cultivés au Canada présentent de faibles teneurs en pesticides, et les agriculteurs canadiens ne seront pas sur un pied d'égalité avec les producteurs du pays importateur.


    Fixation des LMR


    La manière dont l'ARLA fixe les LMR pose également problème.  Dans cette nouvelle infographie, l'ARLA parle de trois étapes : 


    1. "Protéger la santé et l'environnement" ; 
    2. examiner l'exposition ; 
    3. suivre les directives internationales. 


    Aucune de ces étapes n'est véritablement scientifique ou ne se rapporte au contexte canadien.


    1. Protéger la santé et l'environnement : consiste en une "SCIENCE FERMÉE" - un examen des études toxicologiques sur les rongeurs fournies par l'industrie des pesticides et un manque d'études sur les humains.  Voir la lettre de démission mentionnée ci-dessus. Nous avons besoin d'une science indépendante et transparente qui examine la littérature scientifique sur les effets des pesticides sur les personnes et l'environnement.
    2. Examen de l'exposition : il s'agit d'une "SCIENCE NON PERTINENTE" sur la consommation.  L'ARLA étudie les données de consommation des Américains et non celles des Canadiens, même si elle sait que les Canadien.ne.s mangent différemment et que nous disposons de données canadiennes.  Nous avons besoin de données sur la consommation qui utilisent des données sur ce que les Canadien.ne.s mangent.
    3. Respecter les directives internationales : il s'agit d'une "SCIENCE FABRIQUÉE". L'ARLA fixe les LMR à l'aide du calculateur de l'OCDE, qui, il est vrai, " surestime " les concentrations réelles relevées lors des essais sur le terrain. Les LMR devraient être fixées en fonction des concentrations maximales réelles relevées lors des essais sur le terrain au Canada, lorsque le pesticide est appliqué conformément à l'étiquette canadienne.


    C) Informations "disponibles" sur les effets environnementaux cumulatifs


    La proposition d'avis d'intention indique explicitement que le ministre doit prendre en compte les effets environnementaux cumulatifs et qu'il a le pouvoir explicite d'exiger de l'entreprise productrice de pesticides qu'elle lui fournisse les informations disponibles sur les effets environnementaux cumulatifs. À notre avis, cette proposition ne fait que donner au ministre des pouvoirs qu'il possède déjà. En outre, la formulation pose problème.


    Tout d'abord, la signification du terme "disponible" n'est pas claire. Il s'agit d'une échappatoire et d'un mot ‘’ami’’  de l'industrie, car l'industrie des pesticides, à qui il incombe de prouver que les risques liés aux pesticides sont acceptables, pourrait simplement dire "nous avons cherché, et aucune information n'est disponible".  La proposition devrait imposer à l'entreprise de pesticides d'obtenir des informations lorsqu'il n'y en a pas.  Compte tenu du risque de capturer réglementaire, il serait préférable que l'entreprise de pesticides fasse appel à un tiers indépendant et digne de confiance pour fournir ces informations.  


    Deuxièmement, l'avis d'intention parle de prendre en compte l'effet cumulatif du "pesticide".  L'industrie et l'ARLA interprètent le terme "pesticide" comme désignant uniquement la matière dite active contenue dans le produit commerciale. Par exemple, le glyphosate est l'ingrédient dit ‘’actif’’, dans le produit commercial connu sous le nom de Round-up. Dans le monde réel, ont utilise les formules commerciales, et non uniquement les "ingrédients actifs". Les pesticides contiennent des additifs qui facilitent leur absorption par la plante. Ces additifs peuvent être plus toxiques que l'ingrédient actif lui-même et leur combinaison avec l'ingrédient dit actif peut multiplier l'écotoxicité par un facteur pouvant aller jusqu'à 1 000.  Une évaluation des effets cumulatifs doit porter sur l'ensemble de la formulation commerciale.

    Troisièmement, l'avis d'intention parle d'évaluer les pesticides qui ont un "mécanisme commun de toxicité". Cependant, les effets cumulatifs des pesticides résultent de la combinaison des effets de divers pesticides, qu'ils aient ou non un "mécanisme commun de toxicité". L'évaluation des effets cumulatifs doit se concentrer sur les effets et non sur les mécanismes qui les provoquent.  C'est également le point de vue le plus approprié pour examiner les produits commerciaux, étant donné que les additifs aux produits provoquent des effets qui ne sont pas pris en compte si l'on examine uniquement le "mécanisme commun de toxicité", qui se rapporte uniquement à l'ingrédient actif.


    D) Informations "disponibles" sur les espèces en péril


    La proposition de l'avis d'intention vise à donner au ministre le pouvoir explicite d'exiger la présentation des renseignements disponibles sur les espèces en péril. Une fois de plus, l'ARLA ajoute le terme "explicite" à l'autorité dont dispose déjà le ministre. Et, une fois de plus, la proposition utilise le mot glissant d'"informations disponibles". 
    L'ARLA indique également que dans la Loi sur les produits antiparasitaires , le terme "environnement" englobe la biodiversité et la faune, y compris les espèces en péril. Cependant, la définition englobe d'autres secteurs de l'environnement, notamment l'air, l'eau, la biodiversité et le climat. Au minimum, l'ARLA devrait fournir une autorité réglementaire explicite concernant l'évaluation des dommages causés au climat et à d'autres secteurs de l'environnement, y compris l'air, l'eau et la biodiversité, qui découlent de l'utilisation des pesticides.

     

    Résumé


    Tout au long des consultations sur le programme de transformation, il est apparu clairement que l'ARLA écoutait haut et fort l'industrie, tout en se contentant de reconnaître les contributions des Canadiens et des groupes de défense de l'environnement, de la santé et de l’agriculture. Il en résulte des propositions qui ne règlent pas le problème et profondeur de nos dépendances aux pesticides.


    Nous devons affirmer clairement que les Canadiens.ne.s veulent une véritable transformation de notre "système réglementaire obsolète" et mettre fin à la capture réglementaire de Santé canada qui profitent trop souvent à l’industrie de l’agrochimie. Les ‘’faibles’’ propositions de l'avis d'intention nous montrent que l'ARLA ne prend pas la mesure réelle des changements urgents nécessaires.

     
    Nous avons besoin d'un système qui tienne compte des données scientifiques indépendantes et des risques réels pour les Canadien.ne.s et notre environnement, et qui vise à réduire les pesticides. Nous espérons que le gouvernement du Canada nous écoutera enfin.