Lettre ouverte
Le Canada porte atteinte aux droits autochtones au Mexique

Le 17 avril souligne la journée internationale des luttes paysannes. Malgré les attaques répétées sur l’agriculture vivrière et paysanne depuis des décennies, via entre autres les accords de libre-échange, le « réseau paysan mondial » continue toujours de nourrir plus de 70 % de la population mondiale, et cela sur moins de 25 % des terres agricoles. (1)
Partout, les réseaux d’agriculteurs et d’agricultrices se battent contre les accords de libre-échange soutenus par les multinationales et par de trop nombreux gouvernements dans le monde entier. Pour contrecarrer les impacts de ces accords, certains pays, dont le Mexique, essaient de résister. Ce dernier, en tant que « berceau » du maïs mondial, interdit la production de maïs génétiquement modifié (GM) pour éviter toute contamination génétique et respecter le droit des agriculteurs et des populations autochtones à ne pas cultiver de maïs GM.
Les tortillas au cœur de la lutte
En février 2023, le gouvernement démocratiquement élu du Mexique a interdit l’utilisation de maïs génétiquement modifié pour la fabrication d’aliments traditionnels, tels que la tortilla. Le Mexique visait donc l’interdiction des importations de maïs GM en provenance de leur voisin du nord, les États-Unis. Ces mesures sont le résultat de décennies de lutte des agriculteurs et des communautés locales mexicaines pour leurs droits, pour la souveraineté alimentaire, ainsi que pour le respect de la culture paysanne et autochtone, où la préservation de la diversité biologique du maïs, résultant du travail de sélection des semences par des paysans depuis des milliers d’années, joue un rôle de symbole.
Ces restrictions imposées par le Mexique ont été contestées dans le cadre de l’accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM) par le gouvernement américain avec le soutien du Canada en tant que tierce partie. Encore une fois, le gouvernement du Canada s’allie aux États-Unis et aux multinationales de l’agrochimie pour attaquer la souveraineté alimentaire d’un pays et imposer l’importation de produits GM.
Guerre commerciale et lutte contre la science
En décembre 2024, le tribunal commercial qui s’est penché sur cette poursuite a reproché au Mexique de ne pas avoir suivi les procédures appropriées pour consulter ses partenaires commerciaux. Pourtant, quelques mois plus tard, le président Trump a mis en place des droits de douane sur de nombreux produits en provenance du Mexique et du Canada de manière unilatérale. Il s’agit de mesures commerciales beaucoup plus dommageables sur le plan économique que celles du Mexique. Le tribunal a de plus affirmé que la décision du Mexique n’était pas fondée sur des données scientifiques, montrant encore une fois un biais envers les grandes firmes transnationales, alors qu’il a été démontré à de multiples reprises qu’elles avaient fortement influencé la recherche scientifique sur les impacts réels des OGM et des pesticides.
Il serait temps que nos gouvernements, qui, à l’occasion de crises sanitaires ou tarifaires, s’empressent de parler de souveraineté alimentaire, soient conséquents avec leurs actes.
Il est inadmissible que le Canada impose sa vision d’une agriculture productiviste basée sur les cultures génétiquement modifiées et leurs pesticides associés par l’intermédiaire des tribunaux commerciaux.
En avril 2024, le Mexique devait devenir la plus grande juridiction à promulguer une interdiction totale du glyphosate. Cependant, juste avant l’entrée en vigueur de l’interdiction, le gouvernement a annoncé une pause en réponse aux pressions des lobbys de l’agrochimie américains. (2)
Alors que Trump souhaite renégocier au plus vite l’ACEUM, que feront le Canada et le Québec pour protéger et mettre de l’avant une agriculture de proximité durable, appuyer une réelle souveraineté alimentaire, aider l’autonomie du monde agricole et contribuer à préserver le patrimoine bioculturel commun de l’humanité ? Il est grand temps que nos gouvernements arrêtent de se ranger du côté des multinationales et de leur modèle agricole destructeur.
En cette période électorale, nous souhaitons rappeler que comme plus de 700 organisations (3), nous soutenons le Mexique dans sa défense de la souveraineté alimentaire, de la santé publique, de l’intégrité, de l’environnement et des droits des populations autochtones.
Cosignataires de la lettre :
Thibault Rehn, coordonateur, Vigilance OGM; Amélie Nguyen, coordonatrice, Centre international de solidarité ouvrière (CISO) ;Valérie Delage, directrice générale, Comité de solidarité/Trois-Rivières ; Yasmina Moudda, directrice générale par intérim Alternatives ; Rosalinda Hidalgo responsable des actions urgentes CDHAL ; Frédéric Thériault, Ferme coopérative Tourne-Sol ; Emilie Charbonneau, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ; Cheolki Yoon, directeur du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI) ; Bryan Teasdale, Les AmiEs de la Terre de l’Estrie ; Étienne Doyon, Carrefour de solidarité internationale ; Claude Vaillancourt, Attac Québec ; Michèle Asselin, directrice générale, Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) ; Christine Gauthier, vice-présidente, regroupement université, Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) ; Chantal Ide, vice-présidente, Conseil central du Montréal métropolitain-CSN ; Alfonso Ibarra Ramirez, président, Conseil central des syndicats nationaux de l’Outaouais-CSN ; Laurence Guénette, coordonnatrice, Ligue des droits et libertés du Québec ; Katia Lelièvre, vice-présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) ; Vincent Leclair, secrétaire général, Conseil régional FTQ Montréal métropolitain ; Mariklôde Tardi, membre du conseil d’administration de l’Union paysanne, organisation membre de La Via Campesina ; Colette Lavergne, présidente et fondatrice, ARO CoopérAction InterNational, organisation membre de l’Union paysanne ; Véronique Bouchard, présidente du Réseau des fermiers·ères de famille ; Alizée Cauchon, directrice adjointe aux relations gouvernementales, Équiterre