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Pesticides : vente, entreposage, utilisation, transport et élimination 

Les pesticides sont de juridiction partagée entre le fédéral et le provincial. Il incombe aux provinces — dont le Québec — de réglementer la vente, l’entreposage, l’utilisation, le transport et l’élimination des pesticides. 

Au Québec, c’est principalement le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) qui s'occupe du dossier des pesticides par l'entremise de la Loi sur les pesticides ainsi que le Code de gestion des pesticides et le Règlement sur les permis et les certificats pour la vente et l’utilisation des pesticides qui découlent de cette loi. 

Le gouvernement du Québec peut restreindre et même interdire la vente de pesticides homologués par Santé Canada.

 
Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), quant à lui, gère des programmes, des subventions et fournit du service de deuxième ligne pour améliorer les performances agroenvironnementales des agriculteur.rice.s. Le MAPAQ aide les agronomes de terrains et donne des formations à des groupes de producteur.rice.s, mais il ne donne pas de conseils directement à un agriculteur.rice : il se positionne en amont des conseils que reçoivent les agriculteur.rice.s de la part des agronomes.

OGM : un étiquetage obligatoire possible à l'échelle provinciale

Approbation : Le Québec n'intervient pas dans le processus d’approbation des OGM de l'Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). Cependant, les provinces sont avisées des essais en champ prévus sur leur territoire et disposent de 30 jours pour formuler leurs commentaires. 

Étiquetage : Les normes fédérales s’appliquent dans toutes les provinces. Ainsi, au Québec, en vertu de la Loi sur les aliments et drogues appliquée par Santé Canada, les aliments avec des OGM ne sont pas étiquetés — contrairement à plus de 60 pays dans le monde et malgré la demande de transparence des citoyen.ne.s du Québec.
 

En alimentation, la Loi sur les produits alimentaires permet au Québec de fixer par règlement les conditions d’étiquetage des aliments vendus sur son territoire. Dans ce secteur de compétence partagé avec le gouvernement fédéral, les normes québécoises peuvent, si nécessaire, être plus précises ou plus sévères que les normes fédérales. Il serait donc possible de créer un étiquetage des OGM à l’échelle de la province.
 

La promesse non tenue de la CAQ

En 2017, lors du dépôt de notre pétition réclamant l’étiquetage obligatoire des OGM, qui a été signée par plus de 20 000 citoyen.ne.s du Québec, la CAQ — pas encore élue — a réitéré son appui à l’étiquetage obligatoire (1). 
Après presque 8 ans au pouvoir, on attend toujours que le gouvernement caquiste tienne sa promesse.

Ministères et institutions impliqués dans la réglementation

CAPTURE RÉGLEMENTAIRE

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Bien que destinées à agir en faveur de l'intérêt public, les instances gouvernementales semblent de plus en plus servir les intérêts commerciaux de certaines entreprises : ce concept est connu sous le terme de capture réglementaire.


En veut pour preuve cette citation de M. Paradis, en 2015, alors lui-même ministre de l’Agriculture du Québec (2).

« Monsanto est plus puissante que le gouvernement » — Pierre Paradis, alors ministre de l’Agriculture du Québec

 
En 2019, lors de la commission parlementaire sur les pesticides, Québec solidaire insistait sur ce même point (3).

« Le MAPAQ doit redevenir indépendant des lobbys et réaffirmer son leadership en matière d’agriculture saine et responsable » — Émilise Lessard-Therrien, alors députée de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et responsable de Québec solidaire en matière d’agriculture


Le constat est souligné de nouveau en 2021 par le Parti Québécois (4). 

 « Malgré l'engagement du gouvernement, le ministère de l'Agriculture demeure noyauté par l'industrie des pesticides, des groupes d'intérêt et des corporations » — Sylvain Roy, alors député de Bonaventure et porte-parole du Parti Québécois en matière d'agriculture et d'alimentation 

 


Dans notre section sur le gouvernement fédéral, nous avions mis de l’avant le phénomène des portes tournantes ainsi que le nombre de rencontres entre les lobbyistes de l’agrochimie et certaines personnes clés au sein du gouvernement fédéral. Pour la section provinciale, notre approche a été différente — notamment sur le nombre de rencontres entre le gouvernement et les lobbyistes de l’agrochimie (en effet, le calcul n’a pas été possible puisque le Registre des lobbys du Québec ne permet pas de le faire — contrairement au registre fédéral).

 

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Historiquement, les lobbyistes se sont toujours plus intéressés au fédéral compte tenu du rôle crucial de ce dernier dans l’évaluation de ces dossiers. Cependant, depuis quelques années et grâce au travail de groupe tel que Vigilance OGM, on constate que le Québec préoccupe de plus en plus l’industrie. 


Ainsi, CropLife a engagé une personne dont le mandat est exclusif au Québec (5) : nous sommes la seule province à avoir une « personne référente ». CropLife a aussi nommé le Québec dans ses derniers rapports annuels, précisant qu'elle y observait « des développements préoccupants » (6).

 

Résultat de la capture réglementaire et du manque de volonté politique

Depuis 1992, aucune des stratégies ou politiques gouvernementales visant à réduire la vente des pesticides n’y est arrivée.

C’est vrai et c’est d’ailleurs le constat énoncé par le commissaire au développement durable dans son rapport de 2016 (7). Depuis, la mise en place du Plan d’agriculture durable (8), en octobre 2020, dont les cibles  — peu ambitieuses  — de réduction des ventes de pesticides (et de leurs impacts) ne semblent pas inverser la tendance. En effet, selon les derniers chiffres disponibles (2022), les ventes se maintiennent à des niveaux records (9).
 

Les échecs des politiques et des stratégies de l’État québécois en matière de réduction des pesticides ne s’expliquent pas par l’absence de solutions, mais principalement par un manque de volonté politique. Si les ressources nécessaires avaient été mobilisées, les pratiques agricoles au Québec seraient aujourd’hui moins dépendantes des intrants chimiques. Cette dépendance  — qui engendre des impacts significatifs sur l’environnement et la santé publique illustre les conséquences de l'affaiblissement des capacités d’action de l’administration publique.
 

« Ils ne sont puissants que parce que nous sommes à genoux » — Louis Robert à propos des lobbyistes, en commission parlementaire (2021)

LES SCANDALES

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À l’instar du gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et les lobbys de l’agrochimie ont — malheureusement — une longue histoire de travail collaboratif. Une collaboration qui profite aux géants de l’industrie et qui se fait donc au détriment de l’ensemble des Québécois.es — et plus spécifiquement des agriculteur.rice.s et de la biodiversité.
 

Voici 3 exemples de scandales qui sont intimement liés et qui ont fait les manchettes ces dernières années. Ces derniers ne sont que la pointe émergée de l’iceberg : ils démontrent à quel point les lobbys ont du pouvoir sur notre démocratie qui s’effrite sous leur influence.

 

1 - L'affaire « Louis Robert »

— Ou quand un fonctionnaire du MAPAQ est licencié pour avoir dénoncé l’influence des lobbys. 

Louis Robert est un agronome du MAPAQ et lanceur d’alerte. Il dénonce d'une façon large l’influence des lobbys de l’agrochimie sur notre modèle agricole, qui est de plus en plus dépendant des pesticides.

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2 - Un centre de recherche « public » sous l'emprise des lobbys ?

— Ou quand la recherche, financée par le public, est dirigée par les lobbys 

En mars 2018, des enquêtes font état de tentatives d’ingérence dans le travail de chercheurs de la part de membres du conseil d’administration du Centre de recherche sur les grains (CEROM) et plus largement l’influence du privé sur la recherche publique québécoise en l’agriculture.

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3 - Un lobby à la direction de l'Ordre des agronomes ? 

— Ou quand un ordre professionnel faillit à sa mission de protéger le public. 

En 2024, un lobbyiste de l’agrochimie est nommé directeur général de l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ). Benoît Pharand est l’ancien directeur du Réseau végétal Québec (RVQ), regroupant des entreprises comme Bayer (Monsanto), Corteva, Syngenta, Sollio Agriculture et Synagri — tous membres de CropLife.

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(1) Site internet de la CAQ : OGM : La CAQ réitère son appui à l’étiquetage obligatoire, 7 novembre 2017
(2) « Monsanto est plus puissante que le gouvernement », dit le ministre de l'Agriculture, Thomas Gerbet, Radio-Canada, le 22 octobre 2015
(3) Communiqué de presse, Québec Solidaire, Commission parlementaire sur les pesticides: « Le MAPAQ doit redevenir indépendant des lobbys » -Émilise Lessard-Therrien, le 2 août 2019
(4) Communiqué de presse, Parti québécois, Pesticides - Le ministre doit mettre fin à un système de gouvernance incestueux, le 29 avril 2021
(5) Site internet de CropLife : À propos de nous, Personnel - consulté en novembre 2024
(6) Rapport annuel, CropLife, 2022-23
(7) Rapport du Vérificateur général du Québec à l'Assemblée nationale pour l'année 2016-17, Pesticides en milieu agricole, chap.3
(8) Gouvernement du Québec, Plan d'agriculture durable, Réduire l'usage des pesticides et leurs risques pour la santé et l'environnement
(9) « Les ventes de pesticides se maintiennent à un niveau record », Sarah R.Champagne, Le Devoir, le 7 mai 2024