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Dans ce 9e épisode, c’est le moment de comprendre le rôle des différents paliers gouvernementaux et leurs influences dans la prise de décision quant à l’usage des pesticides. C’est aussi une bonne occasion pour parler d’actions concrètes à mettre en place, notamment à l’échelle municipale, de courage politique et de mobilisation citoyenne.

 

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L'invitée

Claire Bolduc est préfète du Témiscamingue, agronome et ancienne présidente de l’Ordre des Agronomes du Québec. Elle a été membre du conseil d’administration d’Équiterre et présidente de la Solidarité rurale du Québec, un organisme dont le but était de promouvoir la revitalisation et le développement des zones rurales. Elle est aussi copropriétaire, avec son conjoint, du vignoble Le Domaine des Duc à Ville-Marie. Que ce soit à travers sa carrière professionnelle ou l’ensemble de ses engagements, Claire travaille fort pour promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement et de la santé des gens.

 

 

La
retranscription
 

 


Cette transcription n’est pas à l’abri de quelques fautes d’orthographe. Étant à l’origine audio, la lecture peut aussi s’avérer moins fluide. Nous avons fait le choix de transcrire la section « scientifique » de la discussion uniquement.
(Pour l’ensemble du contenu, nous vous invitons à écouter l’épisode au complet).

 

 

ÉMILIE -  [00:08:44] C'est quoi ta définition de la politique?

 

CLAIRE BOLDUC - La politique, c'est le mécanisme par lequel des gens qui ont été choisis par les citoyens et citoyennes prennent les meilleures décisions possibles, les décisions les mieux équilibrées possibles qui tiennent compte du plus grand nombre d'enjeux et de préoccupations possibles. Faire de la politique, c'est la gestion des équilibres. C'est générer ces équilibres et ce n'est pas toujours facile. J'ai en exemple tous les groupes de pression, les lobbyistes, les entreprises, les gens d'affaires, mais aussi les environnementalistes qui ont un point de vue à défendre, à mettre de l'avant. Le rôle des politiciens, des politiciennes, c'est de générer les équilibres à l'intérieur de ça et de générer des équilibres sur le long terme. Ce qui n'est pas simple en soi, on doit l'avouer. Ce qui n'est vraiment pas simple.

 

ÉMILIE - C'est quoi pour toi les qualités indispensables pour être un bon politicien ou politicienne?

 

CLAIRE BOLDUC - Capacité d'écoute, c'est la première des choses. La capacité d'écouter, d'entendre, de comprendre et de décoder aussi ce qui n'est pas dit. Donc, première des choses, écouter. Deuxième des choses, le respect. Toutes les personnes qui viennent nous voir ne partageront pas les opinions qu'on a. Je ne partagerai pas leur point de vue non plus. Mais ils ont le droit de l'exprimer et j'ai le devoir de l'entendre. Et ça c'est important. Donc capacité d'écoute, respect. La troisième caractéristique que je vois qui fait défaut, mais malheureusement à tous les ordres de gouvernement, de gouvernance, c'est la vision. On ne voit pas à moyen terme, on voit à très court terme en politique, c'est malheureux, ça nous fait mal comme société, comme collectivité, comme citoyen. Le fait de ne pas avoir, de ne pas être capable de se projeter dans l'avenir, c'est infiniment dommageable. Il y a des décisions qui se prennent avec la meilleure volonté du monde, mais à très courte vue. Oui, on a pris en considération plusieurs préoccupations qui ont été manifestées. On a cherché à créer des équilibres, mais on est à courte vue. Alors, capacité d'écoute, respect, capacité de vision, de se projeter. Je pense que ce sont les caractéristiques des politiciens.

 

ÉMILIE -  [00:11:16] Tu parlais des paliers de gouvernance. C'est quoi au Canada, ces différents paliers-là?

 

CLAIRE BOLDUC - Je vais partir du citoyen. Et je pense que c'est important de toujours le rappeler, tout l'édifice démocratique repose sur lui, donc le citoyen qui s'implique, qui a le droit de vote, on devrait dire la responsabilité et l'obligation de vote. Parce qu'on est chanceux ici, on n'a pas à se battre pour avoir une voix qui porte. On regarde actuellement sur la planète, il y a un pays qui en a envahi un autre, où les citoyens non seulement n'ont pas voix au chapitre, mais s'ils osent se lever contre les dirigeants, on les fait taire de façon assez drastique. Alors ici, les citoyens, c'est la base de l'édifice démocratique. Il y a le niveau municipal qui gère probablement les préoccupations les plus proches du citoyen, les préoccupations du quotidien. La sécurité de l'environnement, la sécurité de l'environnement, les rues, l'éclairage, des trottoirs et des routes en bon état, qui va gérer aussi les activités, le loisir, le quotidien des choses. Donc, le plus proche des citoyens, c'est le monde municipal. Au Québec, on a aussi les municipalités régionales de comté qui regroupent plusieurs municipalités sur un même territoire pour favoriser, faciliter la cohésion dans un territoire donné. C'est le rôle de la MRC de faciliter la cohésion sur une offre de services culturels, par exemple, sur des services de gestion des matières résiduelles ou encore sur l'aménagement du territoire qui est un des grands mandats. Ou d'autres services comme la couverture internet haute vitesse et la couverture cellulaire pour lesquels les MRC ont été très très actives sur le plan québécois pour le revendiquer. On a ensuite le gouvernement du Québec qui est chargé de réglementer le fonctionnement à l'intérieur d'une unité administrative qui est ici au Canada une province qui va avoir un impact sur la réglementation, le fonctionnement en société. Et ensuite, on a le gouvernement du Canada, un pays qui va réguler des fonctionnements à hauteur, à la grandeur du Canada sur un ensemble de pays, la monnaie par exemple, l'armée, et qui va aussi réguler tout le fonctionnement des échanges internationaux. Alors c'est vite dit, c'est vite expliqué, mais ça se départage très bien. Dans le cas par exemple de l'agriculture, si on veut prendre cet exemple-là en particulier, Le Canada va édicter des règles de fonctionnement en matière de commerce international sur les denrées alimentaires, sur ce qu'on appelle ici les quotas, c'est le droit de produire, qui permet de réguler le marché intérieur dans les denrées alimentaires de base pour tous les canadiens et on va aller vers chacune des provinces pour les programmes de soutien direct aux activités agricoles pour les choix environnementaux, par exemple le Québec ou la Colombie-Britannique ont des politiques environnementales liées à l'agriculture qui sont vraiment beaucoup plus avancées que dans d'autres provinces. Ça donne un exemple assez largement campé, mais ça donne un modèle de fonctionnement.

 

 

ÉMILIE -  [00:14:46] Concernant l'utilisation des pesticides, quels sont les rôles et les responsabilités de chaque paliers? Comment se partagent-ils ça?

 

CLAIRE BOLDUC - Le gouvernement du Canada dit si oui ou non, on a le droit d'utiliser une matière qui est un pesticide. C'est l'ARLA, l'Agence de réglementation de la lutte sur les produits antiparasitaires qui détermine les matières actives qui pourront être utilisées et sous quelle forme elles pourront être utilisées. Donc, est-ce qu'on a le droit d'utiliser un produit, oui ou non? Si oui, dans quelle culture, sur quelle production et dans quelles conditions? Et tout l’étiquetage est défini par la Loi sur les produits antiparasitaires, ça se fait au Canada. Le Québec réglemente la circulation. Où sont utilisés les pesticides? Ils sont vendus à qui? C'est toute la question de qui les utilise, où, quand, comment, combien. C'est réglementé par le gouvernement du Québec. Et encore là, c'est une loi sur les pesticides. Au Canada, c'est la loi sur les produits antiparasitaires. Le Québec, c'est la loi sur les pesticides. Le Québec va aussi obliger les gens qui veulent utiliser les pesticides à détenir des certificats et des permis pour se faire. C'est un mécanisme qui permettait et qui a permis au gouvernement du Québec de s'assurer que les gens suivent des formations sur les pesticides. J'ai été professeure dans le dossier des pesticides jusqu'à tout récemment. Je venais d'être élue, je donnais encore des cours sur les pesticides. Près de 90% des pesticides au Québec sont utilisés dans le domaine agricole et à toutes les fois que je donne les cours, je suis toujours très étonnée et je suis émue de le dire, que les agriculteurs ne savent pas qu'ils sont les premières victimes des pesticides, que les agriculteurs et leurs familles qui vivent dans cet environnement-là sont les premières victimes des pesticides. Je suis toujours très étonnée de ce fait-là. Ils sont de plus en plus conscients du danger que présentent les pesticides, mais à toutes les fois qu'on leur dit, qu'on leur explique que les utilisateurs, que les préparateurs, qu'ils sont les premières victimes, ils n'en sont pas ou peu conscients.

 

 

ÉMILIE -  [00:17:17] Quand tu parlais de formation, est-ce que c'est les agriculteurs qu'on va former?

 

CLAIRE BOLDUC - Oui, tout à fait. En fait, on formait tout le monde. On formait aussi les personnes qui sont appelées à vendre les produits antiparasitaires, autant aux agriculteurs qu'au grand public. On forme les gens qui font l'entretien paysager par exemple où les pesticides sont permis. On forme les gens en agriculture, on forme les gens en foresterie également, on forme les gens qui font les applications de pesticides pour contrôler les insectes piqueurs durant l'été. Alors, toutes les personnes appelées à utiliser des pesticides doivent recevoir une formation ou travailler sous la supervision d'une personne qui a reçu la formation. Travailler sous la supervision, c'est être à portée de voix d'une personne qui a reçu cette formation-là.

 

ÉMILIE -  Qui gère les formations? C'est le provincial?

 

CLAIRE BOLDUC - C'est les institutions d'enseignement qui gèrent la formation. C'est le ministère de l’Environnement, de la lutte contre les changements climatiques qui est le ministère responsable de la loi sur les pesticides. 


 

Je ne prétends pas que les insecticides chimiques ne doivent jamais être utilisés. Ce que je soutiens, c'est que nous avons aveuglément placé des produits chimiques toxiques et dotés d'une puissante action biologique entre les mains de personnes largement ignorantes de leur puissance nocive. Nous avons placé des milliers de gens en contact avec ces poisons sans leur consentement et souvent à leur insu. - Rachel Carson, Printemps silencieux

 

 

 

ÉMILIE -  [00:19:02] Quel est le rôle du palier municipal vis-à-vis des pesticides?

 

CLAIRE BOLDUC - Les municipalités peuvent réglementer l'usage des pesticides. Je pense à Hudson par exemple, qui a été la première municipalité à interdire les pesticides à usage cosmétique sur son territoire. Elles ne le font pas toutes, plusieurs ne le font pas du tout, mais les municipalités peuvent réglementer l'usage fait dans certaines circonstances. On ne pourra pas dire par exemple dans une municipalité qu'on interdit aux agriculteurs d'utiliser des pesticides, mais on peut le dire aux citoyens parce que c'est une activité domestique et parce que ça peut avoir un enjeu collectif. Par ailleurs, c'est déjà interdit de faire de l'application de pesticides sur les terrains des parcs, de jeu, près des écoles ou des garderies. Le Québec a déjà réglementé cette portion-là sur l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques.

 

ÉMILIE - Toi, tu te places où en tant que préfète? C'est quoi tes pouvoirs que tu as par rapport à l'enjeu des pesticides?

 

CLAIRE BOLDUC - Comme préfète, dans un territoire, on anime une discussion entre plusieurs élus. Nous, dans notre planification stratégique et vision stratégique du territoire, on a identifié que les agricultures innovantes sont un pôle d'excellence qu'on veut atteindre. Les agricultures innovantes, c'est toutes les formes différentes de pratiquer l'agriculture, que ce soit dans la dimension de l'entreprise, sur les modes de tenue de l'entreprise, coopérative, propriétaire unique, un OBNL, mais c'est aussi la mise en valeur de l'agriculture biologique. Et notre façon d'agir, le pouvoir qu'on s'est donné, c'est de convaincre. Et on a choisi de ne pas condamner, de ne pas culpabiliser les gens qui travaillent depuis fort longtemps avec des pesticides. On a choisi de les convaincre, de les informer, mais aussi de leur fournir l'information qui crée l'occasion de l'alternative. Donc, on investit en recherche et développement au niveau de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, pour développer la connaissance propre. On a des sols agricoles qui sont méconnus. La nature des sols est différente de ce qu'on voit dans le sud du Québec. On veut développer notre connaissance approfondie sur comment on peut pratiquer une agriculture biologique dans les conditions qu'on connaît ici. De sorte qu'on investit en recherche, qu'on investit en promotion, qu'on ne condamne pas et qu'on ne culpabilise pas. C'est important. Les gens, ils n'utilisent pas des pesticides parce qu'ils veulent sciemment empoisonner des citoyens ou rendre la bouffe impropre à l'alimentation. C'est un des moyens mis à leur disposition pour faciliter leur travail. Dans ce contexte-là, si on leur propose l'alternative ou la différence, si on leur montre que ça peut être rentable, intéressante et c'est l'objectif qu'on a en faisant de la recherche, ils vont probablement adopter des pratiques plus saines pour l'environnement, plus saines pour leur propre santé et sans qu'on ait eu à les culpabiliser ou à faire en sorte qu'ils se sentent, de quelque manière, responsables d'un dégât ou qu'on les ait mis au banc des accusés. Et c'est important parce que les pratiques qu'ils vont mettre en place, que ces producteurs-là vont adopter, c'est pour longtemps. Et c'est pour le mieux-être de tout le monde. Alors c'est important qu'ils ne se sentent pas la main forcée, mais qu'ils soient parties prenantes, non seulement de recevoir l'information qu'on leur donne, mais d'en développer de la nouvelle et de la plus avancée. Notre objectif à nous, c'est d'en parler. C'est de la mettre de l'avant. C'est de la promouvoir. C'est de faire en sorte qu'on donne, on présente l'alternative, on documente l'alternative, on donne l'option à nos gens, puis on souhaite que de cette façon-là, ils soient de plus en plus nombreux à l'adopter. Déjà, plusieurs entreprises du territoire ici sont certifiées biologiques et plusieurs pratiquent cette forme d'agriculture sans être nécessairement certifiées par un organisme de certification biologique. Donc, c'est déjà un acquis au niveau de notre territoire. Ça pourra toujours être de mieux en mieux et nous, c'est ce sur quoi on mise.

 

ÉMILIE -  [00:23:33] Tu vois déjà l'évolution depuis les dernières années?

 

CLAIRE BOLDUC - On voit un grand intérêt. Ce n’est plus de l'indifférence. C'est un grand intérêt pour d'autres façons de produire. Et c'est un grand intérêt, d'autant plus qu'on ne leur a pas dit qu'on les a pas braqués. On leur a dit, on voudrait, on tend vers ça, on a un beau territoire agricole ici, on a un bel environnement, 7500 lacs et rivières, on veut protéger l'eau, c'est majeur, c'est une de nos grandes richesses. Qu'est-ce qu'on fait tout le monde ensemble pour atteindre cet objectif-là? Il y a de la curiosité, il y a de l'intérêt pour ça. Et oui, les gens en parlent beaucoup. Puis oui, ils adoptent des pratiques. Ce n'est pas biologique du jour au lendemain. On s'entend, c'est une évolution. Mais cette évolution-là, elle est très positive et très palpable.

 

ÉMILIE - Tu m'as parlé de la vision stratégique que vous avez ici dans la MRC de Témiscamingue pour développer l'agriculture. Est-ce que cette vision est soutenue par des actions du gouvernement du Québec?

 

CLAIRE BOLDUC - [00:24:39] Nous, on a développé une vision stratégique du territoire où on veut que les agricultures innovantes prennent beaucoup de place. L'économie du territoire témiscamien repose sur des activités agricoles performantes, de très belles activités agricoles, et sur l'industrie forestière. C'est deux pôles très liés à la nature, et actuellement, les politiques publiques liées à l'agriculture ont fait en sorte de développer, de mousser l'intérêt des gens vers de nouvelles formes d'agriculture, vers un plus grand respect de l'environnement. Que ce soit le gouvernement précédent ou l'actuel gouvernement, ils ont mis en place beaucoup de planifications, de programmes et d'objectifs de déploiement de l'agro-environnement et du bio-alimentaire qui sont positifs sur le plan d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Est-ce qu'on a fait tout le passage? Je ne pourrais pas dire que tout le chemin est parcouru, loin de là, mais les premiers pas sont faits, ce sont souvent les plus difficiles à faire. J'ajoute à ça la politique de la souveraineté bioalimentaire, notre capacité à nourrir de façon importante notre population par la production locale, alors ça ajoute aux volontés qui se sont exprimées. Je regarde comment les gens magasinent maintenant les fruits et légumes. On sera toujours des consommateurs de prix avant d'être des consommateurs de qualité. Ce n'est pas le cas dans les autres secteurs d'activité, mais le cas de l'alimentation, c'est un besoin de base. Alors le prix compte beaucoup. Si on arrive à produire des aliments pour tous à un prix abordable et que ce soit des aliments produits de façon biologique ou de façon très respectueuse de l'environnement, on aura fait des pas de géant dans notre société.

 

 

ÉMILIE -  [00:26:41] Est-ce que parfois les règlements sont difficiles à négocier?

 

CLAIRE BOLDUC - J'ai été directrice régionale au ministère de l'Environnement. À l'époque, je dirigeais la section contrôle environnementale Abitibi-Témiscamingue, Baie-James Nunavik. Ce que j'ai vu, c'est qu'il y a des discussions qui se font avec toutes les parties prenantes quand il y a un règlement ou quand il y a une législation qui se prépare. On ne négocie pas un règlement. Les parties prenantes peuvent énoncer des problématiques et on a besoin de les connaître. C'est d'ailleurs pour ça que pour toutes les législations, il y a des éléments de commissions parlementaires. Dans ce contexte-là, est-ce que c'est difficile de négocier un règlement ou une réglementation? On doit toujours faire valoir notre point de vue. On doit toujours, si on a quelque chose à mettre en valeur comme idée, comme opportunité ou comme préoccupation, on doit le faire. C'est une responsabilité. Est-ce que ça se négocie un règlement? Ça se discute en tout cas. Ça se discute et je pense que c'est la meilleure façon de le dire. Maintenant, l'application du règlement. Sachons qu'en tout temps, une loi qui est adoptée peut être rendue plus sévère par l'ordre de gouvernement inférieur, mais elle ne peut jamais être allégée. Alors par exemple, dans le cas des pesticides, les pesticides sont réglementés, les municipalités peuvent être plus sévères et interdire chez les citoyens l'utilisation de pesticides, mais elles ne peuvent pas autoriser des pesticides qui ne le seraient pas par la loi. Alors on peut toujours être plus sévère que le règlement ou la législation en vigueur.

 

ÉMILIE - Quand on est élu, qu'est-ce qu'on peut faire même quand ça bloque à des paliers supérieurs?

 

CLAIRE BOLDUC - La première des choses c'est la persévérance. Si ça bloque un palier supérieur, il ne faut jamais lâcher. Je le disais quand j'étais présidente de Solidarité rurale, le jour où on laisse aller, c'est nous qui avons perdu. Alors quand ça bloque un palier supérieur, il ne faut jamais lâcher, ça prend de la détermination. C'est important parce qu'on est conscient d'un enjeu qui touche les personnes, qui touche notre collectivité, on est conscient d'un enjeu direct, il ne faut jamais lâcher. Il faut aussi être capable de comprendre pourquoi l'ordre de gouvernement supérieur n'écoute pas ce qu'on dit. Qu'est-ce qui le motive? Qu'est-ce qui fait en sorte que ce qu'on a comme préoccupation est mis de côté ou est évacué par rapport à d'autres considérants? C'est ça comprendre, c'est ça un gouvernement. Et malheureusement, on va très vite aux conclusions. On va rarement au fond des choses pour être capable de comprendre une position d'un gouvernement. Si on veut bien argumenter, il faut avoir bien compris pourquoi c'est cette décision-là qu'ils prennent.

 

 

ÉMILIE -  [00:29:52] En politique, quand on n'a pas la majorité, est-ce qu'il y a des défis? Parce qu’on le voit, à la MRC, vous avez plein de belles actions, plein de belles visions, mais s'il n'y a pas la majorité?

 

CLAIRE BOLDUC - Quand un gouvernement n'a pas la majorité, ou quand les décisions sont beaucoup plus délicates ou difficiles à prendre, c'est là où tout le jeu d'équilibriste d'un gouvernement doit se faire. Le rôle des politiciens qui vont gérer les équilibres, c'est là qu'il doit se faire. On le voit malheureusement très souvent, certains lobbys ont plus de présence, ont plus d'omniprésence auprès des politiciens que d'autres préoccupations comme plus citoyennes, plus environnementales. D'ailleurs, les environnementalistes sont rarement ceux qui utilisent le plus les lobbies. Peut-être devrait-il y penser. Mais au-delà de ça, en soi, les groupes environnementaux sont souvent aussi des groupes qui vont jouer le rôle de lobbyistes. Cela dit, c'est là où un gouvernement à plus de difficultés à générer des équilibres qui soient vraiment portés pour la société et portés par une vision à long terme. Et c'est très malheureux. On va souvent parler de questions monétaires ou de questions économiques. Bien que ce soit important, on ne peut pas l'exclure de l'équation, de quelque équation que ce soit. D'autres considérations doivent également être prises en considération.



 

ÉMILIE -  Est-ce que tu as déjà été exposé à ce genre de situation ou de pression dans ta carrière par des lobbies, notamment des lobbies de l'industrie?

 

CLAIRE BOLDUC - Oui, comme présidente de l'Ordre des agronomes. Moi, j'étais présidente de l'Ordre des agronomes en même temps que l'arrivée des OGM en agriculture, au tournant des années 2000, en même temps que les cochons bloquaient sur l'autoroute 20. Oui, on est soumis à ce genre de lobby-là, forcément. La question, c'est de revenir à l'essence de ton action. Et pour le gouvernement, c'est souvent ça qui est difficile, parce qu'un gouvernement, c'est composé, comme dans la société, de gens de multiples horizons, qui ont des opinions multiples. Ça doit rester représentatif d'un ensemble qui est cohérent mais j'ai été confronté à ça. À l'époque, la majorité des agronomes voulaient bien faire en agriculture et sur l'environnement agricole, mais tout le monde était confronté à « Écoute, j'ai une job, moi, il faut que je la fasse. » « J'ai un employeur, c'est lui qui me dicte ce que je dois faire.» Alors, tous les agronomes avaient de la bonne volonté pour améliorer la pratique en agroenvironnement, mais tout le monde était dans des contextes de pratiques professionnelles très différents. Donc, comme ordre, il fallait revenir à l'essentiel, à la base. C'est quoi la science agronomique? Ce n'est pas la recette, c'est la science. Les informations, les données de la science doivent prévaloir sur la recette. Et c'est en faisant ce geste qu’on a pu faire avancer, par exemple, sur les normes de pratiques en fertilisation, sur les projets de règlement qui ont été mis en place grâce à l'intervention de l'Ordre des agronomes dans les discussions. Sinon, il y avait un affrontement très fort entre l'agriculture et le milieu municipal à l'époque. Alors l'Ordre des agronomes a quand même joué un rôle vraiment fédérateur au niveau de ces enjeux-là, parce qu'il fallait revenir un à l'essence, la science agronomique, et deux à l'équilibre. Comment on génère cet équilibre-là dans une question qui était très fondamentale pour l'agriculture, comment on fertilise mieux les sols qu'on a? Alors, c'est avec les éléments de fertilisation qui étaient disponibles, les fertilisants d'origine animale, mais aussi les engrais d'origine chimiques.

 

ÉMILIE -  [00:34:13] Tout à l'heure, tu me parlais de l'importance de l'écoute des politiciens et des politiciennes. Le lobbying, c'est quelque chose qui est légal. Stéphanie Yates, elle m'en a beaucoup parlé. J'imagine que vous n'avez pas le choix aussi de les écouter, ces lobbies.

 

CLAIRE BOLDUC - C'est pertinent de les entendre, c'est nécessaire de les entendre, mais il faut revenir à l'objectif de la décision. La décision est prise dans quel objectif, quel dessin on sert, quel objectif on veut atteindre, quels sont les moyens dont on dispose et puis les conséquences si on ne prend pas de décision, c'est ça aussi qu'il faut considérer. Fondamentalement, il faut entendre les gens. Il faut entendre l'ensemble des points de vue. Si on veut générer un équilibre puis qu'on élimine sciemment 40 % des points de vue ou 30 % des points de vue, on ne génère pas l'équilibre. On doit comprendre quel est le point de vue dont ils sont porteurs. On doit bien le comprendre. Si on veut bien argumenter contre certains de leurs arguments, il faut les connaître ces arguments-là, il faut les comprendre. Alors oui, il faut les écouter, nécessairement. L'autre élément, c'est que quelquefois, ils amènent des informations auxquelles on n'avait pas pensé. Donc, quand on est à la recherche, quand on génère des équilibres, ces informations-là, elles peuvent être importantes aussi et faire partie de l'équation. Ça peut être un élément de solution qui nous échappait, qui peut être un élément de consensus dans les discussions qu'on a. Oui, il faut les écouter.

 

ÉMILIE - Est-ce que tu t'es déjà fait solliciter par des groupes environnementaux aussi?


CLAIRE BOLDUC - Je suis, je siège au conseil d'administration d'Équiterre depuis 2013. C'est un engagement qui est venu naturellement avec Solidarité rurale, mais j'avais croisé les gens d'Équiterre dès mon passage à l'Ordre des agronomes. Les groupes environnementaux me sollicitent peu maintenant mais quand j'étais à l'Ordre des agronomes, ils m'ont beaucoup sollicité pour que je sois sur leur conseil d'administration, que je sois partie prenante de leur action. Je faisais bien attention de ne pas mélanger tous les rôles, mais depuis 2013, je suis au conseil d'administration du groupe Équiterre, justement pour les questions d'agriculture, d'agriculture urbaine, parce qu'on a toujours l'impression que l'agriculture urbaine c'est la panacée. Il faut se rappeler pourquoi on a sorti l'agriculture des villes, c'était une question sanitaire. Encore là, il y a une question d'équilibre, on ne peut pas aller tout le monde dans une direction et oublier le passé. Comme on oublie pourquoi on a mis de la pelouse dans les villes : c'est parce que c'était facile d'entretien et ça permettait d'éliminer des éléments de poussière majeurs dans tous les milieux de vie qui étaient une problématique de santé. On oublie d'où on part. Alors quand on arrive devant un problème, on veut régler le problème avec des solutions qui sont incomplètes parce qu'on oublie pourquoi on avait choisi au départ cette solution. C'est vrai aussi au niveau des groupes environnementaux, il ne faut pas ignorer leur message, mais il faut aussi voir l'ensemble de la question. Faut être capable de faire un 360 sur n'importe quel sujet.

 

ÉMILIE -  [00:37:40] Au cœur de l'affaire Louis-Robert qui a dénoncé la trop grande influence des lobbies sur notre agriculture, il y avait la volonté de séparer la vente de la prescription agronomique. Est-ce que tu peux m'expliquer un peu davantage cette problématique?

 

CLAIRE BOLDUC - En fait, c'était déjà le cas quand moi j'étais présidente de l'Ordre et qu'on avait le dossier des fertilisants : la personne qui va faire la recommandation d'utiliser un pesticide ou un fertilisant, est également la personne qui le vend. Donc, le danger qui est un gain direct à la personne qui fait la recommandation par la vente du produit est très grand. Ce qu'on avait souhaité à l'époque et on l'avait inscrit dans les pratiques professionnelles appropriées, c'était de distinguer clairement pour le producteur ce qui était la recommandation donc le diagnostic agronomique de ce qui était l'acte de vente, de vendre un produit. Maintenant le gouvernement va plus loin en disant que l'agronome qui va prescrire le produit ne doit pas être celui qui le vendra. Et ça c'est un pas de plus qu'on fait actuellement pour bien distinguer. Juste vous rappeler qu'en médecine, c'est le médecin qui va prescrire un médicament, mais c'est le pharmacien qui va vendre le médicament. Il y a deux professionnels différents qui vont intervenir dans une pratique globale pour un patient. L'impact pour le patient, il ne concerne que sa personne, alors que l'impact en agriculture, ça peut concerner l'ensemble de la société. C'est peut-être là où le geste est très significatif de distinguer la vente du produit, de la recommandation du produit, de la recommandation agronomique. Pour faire une recommandation, on doit considérer la situation, poser un diagnostic et énoncer quelles sont les mesures à prendre pour contrôler la problématique, le ravageur rencontré. Et il peut y avoir d'autres mécanismes à mettre en œuvre que la seule prescription d'un pesticide. Et c'est là où on revient à la base, à la science agronomique. La science agronomique peut utiliser des outils, mais à la base elle tient compte du fait qu'on a une plante qui servira de nourriture, qui est cultivée dans un environnement donné. Comment faire pour que cet environnement soit le meilleur pour la culture, que la plante performe dans l'environnement et que cette récolte serve à nourrir des humains? On revient à l'essence de ce que c'est l'agronomie. Les meilleurs livres d'agriculture biologique actuellement, c'est les livres d'agronomie du début du 20e siècle. Alors quand on pense à ça, c'est revenir aux sources, c'est revenir à l'essence des choses. La science agronomique est une science de base. Les sols, la botanique, la zoologie, les sciences de chimie et de microbiologie qui inter-réagissent dans la nature, c'est ça la science agronomique. Alors, il faut revenir aux notions de base pour être capable de faire les bonnes recommandations. Ultimement ça pourrait être un pesticide, mais de façon claire et directe on est capable de suivre l'évolution des cultures et des élevages en utilisant moins de pesticides. D'ailleurs, la FAO a dit qu'on pouvait nourrir facilement sur la planète 10 milliards d'êtres humains. On n'est pas encore là, mais 10 milliards d'êtres humains en pratiquant des activités d'agriculture biologique seulement. Si eux ont pu l'établir, j'imagine qu'ils se sont basés sur des données concrètes, réelles, je pense qu'on peut y arriver.

 

ÉMILIE -  [00:41:25] Est-ce que l'intervention de Louis Robert a eu des impacts concrets pour les agriculteurs?

 

CLAIRE BOLDUC - Ce qui s'est passé dans le dossier de Louis Robert, un lobby a mis de l'avant qu'il fallait absolument utiliser des insecticides de type néonicotinoïdes. C'était un coût important et direct pour les agriculteurs, sans aucune efficacité. La lumière qui a été faite autour du geste que Louis Robert a posé en dénonçant ces lobbys, en étant un lanceur d'alerte, l'information qu'il a mise en lumière en faisant constater que c'était inefficace dans plus de 95 % des cas, ça a montré aux agriculteurs qu'il y avait une dépense dans leur coût de production qui était totalement inutile et qui, à moyen terme, nuisait à l'ensemble de leurs activités agricoles. Juste condamner les agriculteurs pour qu'ils prennent moins de pesticides de type néonicotinoïdes, ce n'est pas sûr qu'il y aurait eu la même écoute, qu'il y aurait eu la même attention. Mais le fait de constater que c'est inutile et que ça a des impacts négatifs sur toutes les activités à moyen terme d'une entreprise agricole, on revient à la base, à la science agronomique, on a vu que ça portait fruit, que les gens ont voulu de plus en plus avoir des semences non traitées et qu'ils les souhaitent rapidement, ça a renversé, en quelque sorte, la vapeur sur cette manière de produire.

 

 

ÉMILIE -  [00:43:11] C'est quoi pour toi ce qui bloque à l'échelle provinciale, fédérale? 

 

CLAIRE BOLDUC - Ce qui bloque, ce n'est pas à l'échelle fédérale ou provinciale, ce n'est pas les réglementations. Rappelons-nous, quand on donne le cours des pesticides, c'est la première chose qu'on dit aux gens. Pourquoi les pesticides se sont répandus aussi facilement, aussi largement en agriculture? Un, c'est facile à utiliser, la recette. Deux, ça ne coûte pas cher. Relativement au temps que tu dois mettre dans un champ quand tu veux suivre une culture, ça ne coûte pas cher. Trois, malgré les coûts que ça représente, les coûts d'achat et les coûts de disposition, ça ne coûte pas cher. Ça fait la job. Momentanément, ça fait le travail qu'on veut que ça fasse. Trois raisons qui font que les pesticides sont très largement utilisés. Alors c'est le retour à la science agronomique, c'est le retour à ce souci-là qu'on doit cultiver maintenant. Pour l'agronome que je suis, cette culture-là, moi ça m'inspire beaucoup. 

 

 

ÉMILIE [00:44:26] - Qu'est-ce que les politiciens font pour inciter les citoyens à s'intéresser à la politique et à se mobiliser davantage?

 

CLAIRE BOLDUC - C'est le même instrument qui va servir les politiciens qui veulent que les citoyens soient mobilisés, que les politiciens vont utiliser pour éviter que les citoyens soient mobilisés. C'est l'information. Quand on livre l'information, quand on est transparent et qu'on donne l'information, la documentation appropriée, les gens vont soit beaucoup s'intéresser à un sujet, soit comprendre qu'ils sont dans la transparence puis qu'ils ont peu de préoccupations sur le sujet. À l'inverse, c'est aussi le contrôle de l'information que certains politiciens utiliseront pour éviter que les gens se mobilisent. Ça, c'est malheureux. Personnellement, je partage l'information, autant au niveau des élus, de mes collègues maires et mairesse, qu'au niveau de la population. Quand les citoyens et citoyennes se présentent au Conseil de la MRC, à nos réunions du Conseil, qui posent des questions, on répond toujours. Si la réponse relève de nous, de nos responsabilités, ou si on connaît la réponse, on répond toujours. Il y a des fois où ce n'est pas du ressort de la MRC, il faut le dire, et il y a des fois où l'information est incomplète, il faut aussi avoir la capacité d'informer le citoyen que l'information sera complétée plus tard. Ce que je trouve intéressant, c'est que les citoyens sont rarement mobilisés sur quelques questions que ce soit, sauf expressément si ça les dérange ou s'ils sont concernés. Là, ils sont mobilisés. Et c'est malheureux que ce soit ça, parce qu'on le rappelle, la politique, c'est la vie de tous les jours. À quelque niveau que ce soit, les enjeux politiques vont réguler notre fonctionnement de personnes, de sociétés, de collectivités. Je préfère des citoyens qui sont mobilisés, puis qui nous parlent, que des citoyens qui sont indifférents et qui laissent aller. Je préfère de beaucoup des chialeux à des béni-oui-oui.

 

ÉMILIE -  [00:46:42] Comment les citoyens peuvent-ils faire contrepoids au lobby?

 

CLAIRE BOLDUC - Les citoyens peuvent faire contrepoids au lobby. Et là, c'est intéressant parce que souvent, on entend les gens qui sont contre un projet ou les gens qui sont en faveur d'une mesure, mais pas les gens qui sont indifférents. Et c'est là où le citoyen indifférent sert le mieux tous les lobbies. C'est justement parce qu'ils ne s'en mêlent pas de leurs affaires, parce qu'ils sont indifférents. Je regarde par exemple l’étiquetage des OGM. On fait l'épicerie, on mange trois fois par jour. On fait l'épicerie toutes les semaines. On va consommer les produits locaux, mais aussi les produits qui viennent d'ailleurs. On veut bien manger. Ils sont où les gens pour dire « bien moi j'ai le droit de savoir ce qu’il y a dans cette huile. Est-ce que c'est des plantes OGM? Le saumon, est-ce que c'est un saumon OGM ou non? Je veux savoir d'où il vient, je veux savoir comment il a été produit. Est-ce que les tomates du Mexique respectent les mêmes normes environnementales que les tomates qu'on produit ici au Québec ? Elles sont moins chères, elles sont plus intéressantes.» Rappelons-nous que l'alimentation est un secteur de notre budget qui est obligatoire, difficilement compressible. Dans ce contexte-là, comment on fait pour réguler tout ça? Alors moi j'ai le droit de savoir, mais où sont les citoyens qui veulent savoir? Et ce sont les lobbies qui font... Les citoyens malheureusement servent très bien les lobbies parce qu'ils sont indifférents. C'est dommage.

 

ÉMILIE -  Un citoyen qui a envie de faire quelque chose, parfois il peut se sentir seul face au pouvoir des lobbies, ça peut paraître énorme. Comment le politique peut aider à l'émergence ou le soutien de groupes citoyens et des organismes environnementaux?

 

CLAIRE BOLDUC - Ce que j'ai beaucoup vu dans les organismes environnementaux et c'est dommage c’est toujours placer les citoyens, les entreprises, les politiciens au banc des accusés. Toujours les placer en situation défensive et en situation qu’ils sont le mauvais joueur, c'est les mauvaises personnes. Les groupes environnementaux, un, devraient faire plus de politique, devraient s'impliquer plus activement en politique, ça leur permettrait notamment de comprendre la gestion des équilibres. On ne peut pas qu'avoir un seul angle de vue, mais on doit considérer l'ensemble des préoccupations. La deuxième des choses, c'est, j'appellerais ça la diplomatie environnementale, qui est très absente. Les gens ne se parlent pas, les environnementalistes accusent. Les environnementalistes dénoncent. Alors qu'on doit convaincre. On doit convaincre de la justesse de nos propos, de nos préoccupations. On doit convaincre du bien fondé des arguments, pas seulement de la justesse, mais ils sont ancrés dans une connaissance X. On doit aussi convaincre et amener les élus à voir à long terme. La diplomatie environnementale et je dirais le « placer les gens sur le banc des accusés », ça fait en sorte qu'on retarde certaines avancées. Les politiciens qui ont des préoccupations environnementales sont très nombreux. Mais à toutes les fois qu'ils prennent une décision, ils ont l'ensemble des points de vue à considérer et ils sont très rapidement placés sur la chaise honteuse plutôt que de pouvoir compter sur des acolytes, des alliés environnementaux pour faire évoluer une situation. Pour moi, c'est infiniment dommage. Je le vis en ce moment, dans une situation X sur notre territoire, puis je vais fermer la porte à mes préoccupations de « Oh, que c'est impoli comme démarche. » Non, je ne suis pas une mauvaise environnementaliste pour dire, il y a là un argument qui m'est soumis auquel je devrais songer. Mais ce n'est pas le cas de tous mes collègues élus, d'avoir cette réflexion et d'être capable de fermer la porte à ma colère pour dire qu'il y a quand même là un élément qu'on doit considérer. Et c'est très important. Mais cette diplomatie-là environnementale est malheureusement déficiente chez beaucoup. Regardez comment les citoyens se comportent, les réseaux sociaux, ce qu'ils ont amené, c'est la dénonciation, c'est l'accusation, ce n'est jamais de tenter de comprendre un point de vue. Alors on est maintenant dans cette dynamique-là de société qui fait en sorte que c'est beaucoup plus difficile de faire évoluer des situations pour le mieux-être de tous et dans une situation d'équilibre. C'est très compliqué. C'est dommage et la majorité des élus ne se placeront pas en mode « attends un peu, il faut que j'écoute ». La majorité des gens vont se placer en mode défensif ou en mode fermeture. C'est regrettable. Parce que ces gens-là, ultimement, ils sont élus pour prendre des décisions et ils vont les prendre. Alors, comment faire mieux? Moi, si j'ai un souhait, c'est qu'on développe plus et mieux toute notre capacité de diplomatie environnementale. C'est Annie Chaloux, qui est une professeure en environnement à l'Université de Sherbrooke, qui disait, on peut avoir des convictions environnementales, mais on n'est pas obligé d'être parfait pour faire évoluer des dossiers environnementaux. Il faut être capable de se parler. Et je pense qu’elle a mis le doigt exactement sur les enjeux qu'on rencontre actuellement.

 

ÉMILIE -  [00:52:51] Tout à l'heure, tu m'as parlé de solidarité rurale, de contre-politique. Est-ce que tu t'es déjà considérée comme une militante?

 

CLAIRE BOLDUC - Même comme élue maintenant, même quand j'étais élue lors des agronomes, je me considère comme une militante parce que je ne suis pas là de façon neutre, je suis là parce que j'ai des convictions et je porte des valeurs. Alors même comme élue maintenant, je demeure militante, quelqu'un qui porte ses idées, ses convictions, qui porte les projets, qui porte la vision que d'autres ont développée avec moi. Je considère toujours que je suis une militante. Mais oui, à l'époque, j'étais militante, c'est clair. Et je le suis toujours.

 

 

ÉMILIE -  [00:53:31] Est-ce que tu penses qu'on est sur la bonne voie, sur le plan politique, selon toi?

 

CLAIRE BOLDUC - Je te dirais que certaines fois, j'ai de l'espoir. À d'autres moments, je désespère de nous voir évoluer. Quand je vois le très faible taux de participation aux élections municipales ou même aux élections provinciales, on vient de voir les élections en Ontario il y a moins de 50% de la population qui est allée voter pour le gouvernement de l'Ontario, ça c'est désespérant. Quand je vois par contre Greta Thunberg militer pour l'environnement et tout l'engouement qu'elle suscite, wow! Là, j'ai de l'espoir. Alors, c'est difficile de dire blanc ou noir, on s'en va vers le mieux, on patauge. Je pense qu'il faut que les gens doivent être conscients de l'importance de chacun des gestes qu'ils posent comme citoyens. Et le premier geste, c'est de voter. C'est la responsabilité, arrêtons de parler du droit de vote, parlons de la responsabilité de voter. De voter, donc de se renseigner sur les programmes des partis politiques, donc de connaître les personnalités politiques, c'est une responsabilité. Alors à quelques égards, est-ce qu'on va vers la bonne direction? Ultimement oui, ultimement il faut avoir foi en l'humanité. Alors ultimement oui, mais on passe par des hauts et des bas. Et c'est clair que cette série de hauts et de bas, elle n'est pas terminée.

 

 

Passez à l'action! Consultez l'ensemble des revendications de Vigilance OGM sur les pesticides, signez le manifeste, et participez aux futurs appels à l’action. Tu souhaites une municipalité sans pesticides ? Vigilance OGM a conconté une boîte à outils assez complète pour t'aider!

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Les références

Municipal

  • Hudson, 1ère ville nord-américaine à interdire les pesticides en 1991 (lien)

Provinciale

  • Loi sur les pesticides (lien)

  • Politique de souveraineté alimentaire (lien)

Fédérale

  • Loi sur les produits antiparasitaires (lien)

  • ARLA (Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire) (lien


Autres liens

  • Solidarité rurale du Québec (lien)

  • Équiterre (lien)  

  • Une agriculture 100 % biologique pourrait nourrir la planète en 2050, Le Monde, 2017 (lien)