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Dans l’épisode 7, Stéphanie Yates éclaire l’un des causes importantes de la vente et l’utilisation intensive des pesticides : les lobbys. Elle explique qui ils sont, les bases du lobbying, leur influence sur la recherche sur les pesticides et sur notre démocratie. On parle aussi de science, de prise de décision pour la réglementation sur les pesticides et du pouvoir des organismes et citoyens pour faire contrepoids à ces lobbys.

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L'invitée

Stéphanie Yates est professeure au département de communication sociale et publique de l’UQAM et politologue de formation. Elle a occupé plusieurs postes dans les milieux politiques provincial et fédéral, de même que dans le secteur privé. Ses recherches portent principalement sur le lobbying et le rôle des groupes d’intérêt et des citoyens dans la gouverne de l’État et des entreprises. Elle s’intéresse notamment aux expériences de participation citoyenne, au processus d’acceptabilité sociale des projets présentés par les gouvernements et autres organisations, ainsi qu’à la responsabilité sociale des entreprises.

Dans l’épisode 7, Stéphanie Yates éclaire la cause principale de la vente et l’utilisation intensive des pesticides : les lobbys. Elle explique qui ils sont, les bases du lobbying, leur influence sur la recherche sur les pesticides et sur notre démocratie. On parle aussi de science, de prise de décision pour la réglementation sur les pesticides et du pouvoir des organismes et citoyens pour faire contrepoids à ces lobbys.

 

 

La
retranscription
 

 


Cette transcription n’est pas à l’abri de quelques fautes d’orthographe. Étant à l’origine audio, la lecture peut aussi s’avérer moins fluide. Nous avons fait le choix de transcrire la section « scientifique » de la discussion uniquement.
(Pour l’ensemble du contenu, nous vous invitons à écouter l’épisode au complet).

 

 

ÉMILIE -  [00:03:24] - C'est quoi le lien entre communication scientifique et lobbying? 

 

STÉPHANIE YATES - Dans un monde qui est de plus en plus complexe, il arrive fréquemment que la science ne fasse pas nécessairement consensus. On peut penser aux OGM, bien sûr, c'est un bon exemple, mais on peut penser aussi au nucléaire ou encore plus près de nous, aux différentes mesures sanitaires qui visaient à contrer la propagation de la COVID. Rappelez-vous des fameux débats au début sur le port du masque, est-ce qu'on devait le porter ou pas, il y avait plusieurs expertises qui se contredisaient sur cette question-là. Donc, dans ce contexte-là où la science ne fait pas toujours consensus, les différents porteurs d'intérêts présents dans une société vont chercher à influencer les gouvernements pour faire en sorte que ce soit leur interprétation de la science qui domine, leur interprétation des risques par rapport aux bénéfices d'une solution donnée. Et donc, toutes ces démarches-là d'influence sur ce que devrait être la science qui est prise en compte, ce sont des démarches de lobbyisme.

 

ÉMILIE -  [00:05:48] – Et est-ce que tu trouves que le domaine du lobbying, il est genré?

 

STÉPHANIE YATES -  En fait, c'est un domaine où, tout comme c'est le cas en sciences politiques de manière plus générale, on retrouve encore plus d'hommes que de femmes. Cela dit, l'image du Boys Club qui influence les gouvernements, c'est une image qui est en train de changer avec l'arrivée de la relève, formée dans des départements de sciences politiques ou dans des départements de communication, comme le département au sein duquel j'évolue, où il y a beaucoup de jeunes femmes qui arrivent sur le marché et qui sont qualifiées pour faire du lobbyisme. Parallèlement aussi, les activités de lobbyisme se professionnalisent. Je disais que l'ère du Boys Club est un peu révolue : on n'influence plus à coup de cocktails, de tournois de golf, ou d'invitations à séjourner dans des yachts luxueux. Ce n'est plus vraiment comme ça que ça se fait, heureusement. La pratique, elle est toujours aussi stratégique qu'elle ne l'était, mais elle se traduit le plus souvent par de simples rencontres dans des bureaux entre les gens qui font du lobbyisme et les gens qu'ils veulent influencer. Alors c'est pas mal moins glamour, mais c'est très efficace.

 

ÉMILIE -  [00:07:05] - Ça serait quoi la définition d’un le lobby? Moi, j'imagine un homme costard-cravate avec son petit sac de travail dans un grand bâtiment, bien habillé.

 

STÉPHANIE YATES -  Oui, c'est effectivement une image typique qu'on associe à l'activité. Avant de définir ce qu'est un lobby, je pense qu'il faut d'abord définir ce qu'est le lobbyisme, donc l'activité en tant que telle. C'est une démarche qui vise à influencer les gouvernements, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou même municipal. Il faut comprendre que toutes les organisations qui visent à influencer une décision gouvernementale, que ce soit pour l'obtention d'un permis, d'une subvention, d'une réglementation, d'une loi, d'une nomination ou que ça vise le statu quo (parce que souvent on influence pour ne pas qu'il y ait réglementation, loi ou subvention), toutes ces démarches constituent du lobbyisme. Donc très simplement, ce sont des démarches d'influence. Et ces démarches-là, elles peuvent émaner de différents types d'organisation. Une entreprise ou un regroupement d'entreprises, bien sûr, mais aussi une association professionnelle, une centrale syndicale, un organisme sans but lucratif ou même un groupe de citoyens. Donc, c'est sûr que certains de ces acteurs-là, actrices, sont réticents à associer leur activité au lobbyisme, parce qu'on a cette image que tu évoques, du costard-cravate, de cercles fermés, etc. Mais en fait, dès qu'on est dans une démarche d'influence, on est en train de faire du lobbyisme. Et donc, en général, on va utiliser l'expression lobby pour désigner les organisations dont la principale fonction, c'est de faire du lobbyisme. Donc, le groupe communautaire qui fait du lobbyisme une fois par année pour obtenir une subvention, on ne va pas nécessairement l'identifier comme étant un lobby parce que ce n'est pas sa fonction principale. Il fait des démarches d'influence, il mène des démarches d'influence dans certains contextes, mais on va réserver, si on veut, l'appellation lobby aux organisations dont c'est la mission principale, par exemple l'Association canadienne des producteurs pétroliers, l'union des producteurs agricoles ou encore la fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

 

ÉMILIE -  [00:09:14] Est-ce que ça veut dire que moi si j'ai déjà rencontré le maire de Baie-Comeau pour des recommandations en environnement, c'est du lobbying avec un groupe citoyen? 

 

STÉPHANIE YATES - Tout à fait, c'est du lobbyisme pris dans une conception très large. Après, on a des lois au Québec pour rendre ces activités-là plus transparentes. Et c'est sûr que les lois s'appliquent à certains types de lobbyisme. Si on veut résumer ça très simplement, ça s'applique surtout aux organisations dont la mission première est de faire du lobbyisme, comme je le mentionnais auparavant. Mais oui, quand on va rencontrer son député, quand on va rencontrer son maire, qui qu'on est, si notre objectif c'est d'influencer, on est effectivement en train de faire du lobbyisme.

 

ÉMILIE – Le lobbyisme et les lobbies, est-ce que c'est quelque chose qui est légal?

 

STÉPHANIE YATES -  Tout à fait, c'est tout à fait légal. Non seulement c'est légal, mais je pense que c'est nécessaire en démocratie. On ne voudrait pas d'un gouvernement qui est élu pendant quatre ans et qui gouverne en vase clos sans tenir compte de la réalité du terrain. Donc c'est absolument essentiel qu'on ait ce genre d'activité là. Lors de la pandémie, par exemple, il y a eu énormément de démarches de lobbyisme de la part de toutes sortes d'organisations pour faire comprendre les impacts du confinement et pour convaincre sur les appuis financiers qui étaient nécessaires à la relance. Donc les musées, les restaurants, les centres sportifs, tout le monde est allé cogner à la porte du gouvernement pour que ce dernier comprenne les effets concrets de ses décisions et la réalité du terrain par rapport à ses décisions. L'enjeu crucial lorsqu'on parle de lobbyisme et de l'égalité ou d'éthique autour de tout ça, c'est vraiment l'écoute et l'accessibilité. Donc, tous les porteurs d'intérêt, autant la grande organisation que le citoyen qui cogne à la porte de son député, il est fondamental que tous ces représentants-là puissent avoir accès aux décideurs publics. C'est le fondement de notre démocratie. Et ça, peu importe les moyens financiers qui sont à leur disposition. Et c'est souvent là que le bât blesse, on pourra y revenir quand on parlera un peu plus tard des pesticides, mais souvent les moyens financiers sont inégaux et c'est ce qui fait que les accès aux décideurs publics sont parfois inégaux également. Mais à la base, c'est une activité qui est tout à fait légale.

 

 

ÉMILIE -  [00:11:30] Est-ce que tu pourrais me parler un peu plus de tes recherches sur le lobbyisme?

 

STÉPHANIE YATES -  Alors, je m'intéresse à la réglementation du lobbyisme. On a des lois au Québec, au Canada, dans d'autres juridictions, ailleurs dans le monde également. J'essaie de voir en quoi ces lois-là peuvent être et pourraient être améliorées pour faire en sorte que le lobbyisme soit mieux encadré, soit plus transparent, que les citoyennes et citoyens aient davantage d'informations sur les jeux qui se passent en coulisses. Donc ça c'est un aspect de ma recherche. Une autre dimension concerne les aspects éthiques liés au lobbyisme. Quels sont les codes de déontologie, les codes d'éthique qui devraient encadrer ce genre de démarche? Je m'intéresse aussi aux stratégies de lobbyisme dit indirect. Donc, le lobbyisme indirect, c'est lorsque les lobbies mobilisent les citoyens et les citoyennes pour que ceux-ci investissent la place publique et l'espace médiatique pour finir par faire pression sur les gouvernements. Donc dans cet esprit-là je m'intéresse à ces stratégies de mobilisation citoyenne mais également à l'astroturfing, qui est un peu le pendant du grassroots lobbying, le lobbying qui est basé sur la mobilisation des citoyens. L'astroturfing, c'est vraiment la création d'un mouvement citoyen factice, donc artificiel, par l'industrie qui va financer et faire passer ces initiatives comme étant des initiatives citoyennes en vue toujours d'influencer les gouvernements. Donc ça, cet aspect-là de l’astroturfing est un autre volet de ma recherche. Je m'intéresse aussi aux arguments qui sont déployés dans le cadre de ces stratégies de lobbyisme indirect, donc toutes les stratégies argumentatives, notamment autour d'enjeux qui soulèvent des questions d'acceptabilité sociale. Et enfin, je m'intéresse au phénomène des portes tournantes en politique. Donc, comment finalement ces passages d'un individu entre les secteurs publics et privés peuvent changer les dynamiques de lobbyisme tel qu'on les conçoit traditionnellement. Et en lien avec cette recherche sur les portes tournantes, je regarde notamment comment elles se traduisent, auprès des acteurs liés au domaine des pesticides.




 

La végétation fait partie d'un réseau vivant dont les éléments sont intimement liés, et les plantes entretiennent des relations essentielles entre elles, avec la terre et avec les animaux. Nous sommes parfois obligés de perturber ces relations, mais nous devrions le faire avec prudence, sans jamais oublier que notre intervention peut entraîner des conséquences éloignées dans le temps et dans l'espace. Mais une telle humilité n'est pas de mise dans le commerce prospère de l'herbicide, où l'on ne songe qu'à vendre davantage en développant toujours plus l'usage des produits chimiques. - Rachel Carson, Printemps silencieux

 

 

ÉMILIE -  [00:14:19] Dans le monde des pesticides, c'est qui les lobby?

 

STÉPHANIE YATES - Il y en a plusieurs. Il y a d'abord les producteurs de semences, les producteurs d'OGM, de pesticides. Il y a aussi toutes les associations de producteurs agricoles, que ce soit des associations qui font usage ou qui prônent l'usage des pesticides ou au contraire, il y a des associations aussi qui prônent une réduction de l'usage de ces pesticides, mais eux aussi font du lobbyisme. Dans cette définition très large que je vous propose du lobbyisme, on peut penser que les groupes environnementaux qui réclament une approche plus durable font également partie des lobbies puisqu'ils tentent tous d'influencer les décisions gouvernementales. En ce qui concerne la première catégorie, donc celle des producteurs de semences, de pesticides, d'OGM, il faut tout de même souligner la présence de très très gros joueurs qui sont à la fois des producteurs de semences OGM et de pesticides. On pense évidemment à Monsanto qui a été racheté par la pharmaceutique Bayer, l'exemple typique de ce gros joueur dans le domaine. On peut aussi mentionner l'entreprise agrochimique Syngenta, qui a été rachetée par la chinoise ChemChina. Donc ces entreprises, ce sont des oligopoles qui disposent de très grands moyens financiers pour faire valoir leur point de vue. Ça revient un peu à votre question, est-ce que c'est légal le lobbyisme? Tout à fait, ça nous en prend, c'est normal qu'il y en ait. Il faut simplement s'assurer que l'accès soit égal pour tous les acteurs, tous les porteurs d'intérêt dans la société.

 

ÉMILIE -  Ça veut dire quoi oligopole?

 

STÉPHANIE YATES - Oligopole, ça veut dire quelques entreprises, telles de très grandes entreprises qui contrôlent l'ensemble d'un marché. Donc si vous, demain matin, vous voulez vous mettre à vendre des pesticides, probablement qu'ils vont venir cogner à votre porte pour voir ce que vous faites dans la vie et si vous n'intervenez pas trop sur leur plate-bande.

 

ÉMILIE -  [00:16:04] Donc c'est vraiment finalement des industries qui ont beaucoup de moyens financiers.

 

STÉPHANIE YATES - Tout à fait. Et bon, est-ce que ces moyens-là se traduisent nécessairement par une plus grande influence? C'est toujours difficile de déterminer ou de mesurer l'influence d'un acteur ou d'une actrice auprès des gouvernements. Mais c'est sûr que quand on a beaucoup de moyens financiers, ça nous permet d'être très présents, d'aller à Ottawa passer quelques jours pour faire une multitude de rencontres, d'aller à Québec, rencontrer les élus et les fonctionnaires. Donc, il y a quand même une facilité qui est apportée avec ces moyens financiers.

 

ÉMILIE - Comment ces grandes industries interagissent entre elles?

 

STÉPHANIE YATES -  Elles sont regroupées, elles collaborent sous l'égide de CropLife. Vous avez peut-être déjà entendu ce nom. CropLife, c'est une fédération internationale qui regroupe la plupart des grandes entreprises du secteur de l'agriculture dans le monde. Donc, que ce soit Bayer, Dow Chemical, Dupont, Monsanto, Syngenta. C'est le lobby principal du secteur agro-industriel.

 

 

ÉMILIE -  [00:17:06]  Est-ce que les lobbies de l'industrie, ils ont de l'influence sur la science?

 

STÉPHANIE YATES -  En fait, les lobbies peuvent avoir une influence sur la compréhension de la science qu'auront les décideurs publics ou sur la priorisation d'une perspective de la science par rapport à une autre dans un contexte où, la science ne fait pas toujours consensus. Donc, les lobbies vont tenter d'influencer pour faire valoir leur interprétation des faits scientifiques. Le lobby du tabac, c'est l'exemple qui peut nous venir spontanément en tête : l'industrie a longtemps tenté de cacher les études qui démontraient que les produits du tabac étaient néfastes pour la santé. Par la suite, l'industrie a démenti les études montrant les effets néfastes de la fumée secondaire. Ça c'est un exemple clair où ils ont tenté d'influencer l'interprétation des données scientifiques. Au Québec, on a un autre exemple avec le lobby composé des entreprises qui exploitent donc l'amiante, mais également des acteurs économiques régionaux, des régions donc qui sont productrices d'amiante, qui tous ensemble ont longtemps fait valoir qu'il était possible d'avoir une exploitation sécuritaire de l'amiante. Et en fait, la dernière mine d'amiante n'a fermé ses portes qu'en 2011 au Québec, alors que les études montraient depuis très longtemps qu'il y avait des problèmes dans l'exploitation de cette substance. Traditionnellement on peut aussi penser au guide alimentaire canadien : c'est un enjeu ou c'est un domaine où les lobbies ont aussi influencé l'interprétation de la science pendant des années. Que l'on pense à l'association canadienne des bovins évidemment réfractaires à des recommandations qui visaient à réduire la consommation de viande rouge ou encore à la fédération des producteurs de lait qui ont poussé pendant des années pour que les produits laitiers aient une place unique dans le guide alimentaire canadien. Ce qui est intéressant là-dedans, dans ce dossier-là, c'est que la dernière version du guide alimentaire canadien, donc celle qui a été publiée en 2019, a été développée un peu à l'abri, si on peut dire, des lobbies. Le gouvernement en fait, avait vraiment pris un engagement de faire en sorte que les recommandations qui étaient pour influencer la composition du guide alimentaire seraient des recommandations scientifiques, des recommandations d'experts et que les lobbies n'auraient pas leur place dans la détermination du nouveau guide. Et lorsqu'on regarde le résultat, soit le guide alimentaire de 2019, on voit qu'il est très différent des guides alimentaires qu'on a eus jusqu'à maintenant. Et d'ailleurs, les produits laitiers ont perdu leur place de choix.

 

ÉMILIE -  [00:19:44] Ça veut dire que le gouvernement pourrait aussi faire ça avec les pesticides, se baser sur des études sans forcément inclure les lobbys dans la prise de décision?

 

STÉPHANIE YATES -  C'est sûr que les lobbys vont toujours essayer d'influencer, c'est dans leur nature même de le faire. Et dans le cas du Guide alimentaire canadien, je ne pense pas que l'Association canadienne des bovins ou la Fédération des producteurs de lait soient restées les bras croisés devant cette volonté gouvernementale. Mais lorsque cette volonté gouvernementale est ferme, affirmée, lorsque c'est vraiment un engagement politique, je pense que c'est faisable d'avoir des décisions gouvernementales qui s'appuient sur des données scientifiques vérifiées, valides, indépendantes. On l'a vu dans le cas du guide alimentaire, tous les experts s'entendent pour dire que, effectivement, ça suit la science.

 

 

ÉMILIE [00:20:45] -  Est-ce que les lobbies industriels, en plus de mettre de l'avant leur propre interprétation scientifique, vont jusqu'à produire leurs propres études?

 

STÉPHANIE YATES - Tout à fait. Les compagnies vont souvent embaucher leurs propres scientifiques, comme des agronomes, des toxicologues. Donc ceux-ci ne sont pas indépendants, puisqu'ils sont embauchés par l'entreprise. En plus, la méthodologie sur laquelle s'appuient leurs études, souvent, n'est pas toujours transparente. Et enfin, les études qui sont produites comme ça par les entreprises ne sont pas systématiquement vérifiées par les pairs, alors qu'en science c'est vraiment le processus à la base de la production scientifique. On doit avoir cette évaluation qui se fait le plus souvent à l'aveugle, c'est-à-dire qu'on ne sait pas qui est à la source de l'étude et c'est une évaluation donc indépendante par les pairs. Donc pour répondre à votre question, les entreprises, l'industrie produisent leurs propres études et malheureusement, ces études souvent, elles ne sont pas indépendantes. Et ça ne veut pas dire qu'il faille nécessairement rejeter ces études en bloc, mais c'est sûr qu'il convient, je pense, de garder un œil très critique sur celle-ci.

 

ÉMILIE -  Pourquoi ces études-là, elles ne peuvent pas forcément être vérifiées par les pairs?

 

STÉPHANIE YATES - En fait, elles pourraient l'être, mais les entreprises n'ont pas nécessairement intérêt à ce qu'elles le soient, parce que ça ne passerait peut-être pas la barre, justement, de la scientificité. Alors souvent, ce sont des études qui sont présentées comme étant scientifiques, mais qui ne se conforment pas aux règles habituelles de la production scientifique.


ÉMILIE -  [00:22:10] C'est quoi les techniques qu'utilisent les lobbies? Est-ce que tu pourrais me donner des exemples?

 

STÉPHANIE YATES - Il y en a plusieurs, mais comme je le disais d'abord, la technique de base, il n'y a rien de bien sorcier : c'est de faire des rencontres avec les décideurs publics. Par ailleurs, il arrive que les lobbies mettent en place des techniques plus subtiles voire plus sournoises et qui sont un peu plus questionnables sur le plan éthique. On sait par exemple, dans le cas des pesticides, que l'industrie a eu recours à des moyens un peu questionnables. Par exemple, recours à des études bidon, présentées comme répondant aux critères scientifiques, recours à des influenceurs ou à des fausses ONG rémunérées par l'industrie, décrédibilisation des opposants ou encore placement des représentants de l'industrie sur certaines instances décisionnelles ou certaines instances de conseil au Québec. On peut penser par exemple au président des producteurs de grains du Québec, qui était le président du C.A. du Centre de recherche sur les grains, qui conseille donc le gouvernement québécois quant à l'usage des pesticides. Alors, un rôle de conseiller mais en même temps une vision très ancrée finalement dans les intérêts de l'industrie.
 

ÉMILIE -  [00:23:23] Ça fait vraiment du lien ! j'ai rencontré récemment Geneviève Labrie, qui a travaillé justement pour le centre de recherche le CÉROM (Centre de recherche sur les grains)
 

STÉPHANIE YATES -  Justement, ça fait référence en fait à toute la controverse autour du lanceur d'alerte Louis Robert qui travaillait pour le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec et qui a justement publié un livre dénonçant le poids des lobbies dans le dossier des pesticides.

 

 

ÉMILIE [00:23:47] - Les lobbies, ils ont du pouvoir, mais au final, qui décide de la réglementation et l'homologation?

 

STÉPHANIE YATES -  Il y a plusieurs acteurs qui sont impliqués. Au Canada, c'est le gouvernement fédéral et plus précisément Santé Canada qui décide de l'homologation ou de l'autorisation des pesticides. Santé Canada s'appuie, pour ce faire, sur l'expertise de son agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, l'ARLA, qu'on appelle communément. Par ailleurs, il y a aussi les gouvernements provinciaux qui ont leur mot à dire, puisqu'ils décident des règles entourant l’usage des pesticides. Donc Santé Canada dit : oui, ce pesticide-là, il est permis au Canada, mais ensuite ce sont les gouvernements provinciaux qui vont décider des conditions d'utilisation. Ça se fait par l'entremise du ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation et du ministère de l'Environnement et de la lutte contre les changements climatiques. Et enfin, il y a aussi les municipalités qui ont leur mot à dire, qui peuvent donc adopter des règlements pour restreindre l'usage des pesticides sur leur territoire, comme l'ont fait récemment les villes de Laval et Montréal notamment.

 

ÉMILIE -  Mais si justement ce sont les gouvernements qui décident de la réglementation pour les pesticides, comment les lobbys influencent-ils cette réglementation-là?

 

STÉPHANIE YATES -  Il est toujours difficile de mesurer l'influence d'un lobby donné, on ne peut pas établir de lien de cause à effet entre la démarche d'un lobby et l'influence qui a réellement été exercée. Par ailleurs, on peut regarder certains indices, certains éléments qui nous donnent quand même un contexte et qui nous permettent d'affirmer qu'il y a pu avoir influence. Ce qu'on sait avec l'industrie des pesticides au Canada, c'est qu'ils exercent une pression très forte. En témoigne notamment le registre des lobbyistes canadiens, une recherche rapide dans le registre qui est disponible en ligne, donc tous les citoyens et citoyennes peuvent y avoir accès. Donc une recherche rapide nous indique par exemple que le président de CropLife, le lobby de l'industrie agroalimentaire dont on parlait, à lui seul, a obtenu depuis les 12 derniers mois, pas moins de 40 rencontres avec divers élus et fonctionnaires fédéraux. Donc c'est une démarche qui est soutenue, on parle d'une seule personne, 40 rencontres, ça fait presque une rencontre par semaine si on enlève les mois estivaux. Donc quant à l'influence qui est réellement exercée, encore une fois ça demeure difficile à déterminer. Par ailleurs, le fait que le Canada ait, en 2015, homologué le glyphosate, l'herbicide qui est actif dans le fameux Roundup de Monsanto, pour les 15 prochaines années, cette décision-là étonne quand même, alors que l'Union européenne prévoit plutôt bannir l'usage du glyphosate d'ici 2023. Donc on peut penser quand même que l'influence de l'industrie en contexte canadien n'est pas étrangère à cette décision-là.

 

 

ÉMILIE -  [00:26:39] Est-ce que l'industrie des pesticides utilise des moyens spécifiques pour convaincre les gouvernements? 

 

STÉPHANIE YATES -  Oui, il y a des moyens de base. Quand on parle de lobbyisme, ce n'est pas toujours glamour. On parle de rencontres dans des bureaux avec des fonctionnaires, avec des élus. Donc, c'est sûr que ce genre de moyens là est mis de l'avant. Par ailleurs, il y a d'autres techniques qui peuvent être mobilisées, notamment du lobbyisme dit indirect. Donc le lobbyisme indirect, ça vise à mobiliser les citoyens et à investir l'espace médiatique en vue de faire pression sur le gouvernement. C'est la vocation entre autres du groupe Advancing Agriculture qui est financé notamment par CropLife, les producteurs de grains du Canada, l'Association canadienne de distribution des fruits et légumes. C'est un groupe qui se veut finalement le porte-voix de la communauté autour de l'agriculture canadienne et qui incite ainsi les personnes intéressées à devenir membres. Donc, ça crée une certaine pression, ça envoie un message de manière indirecte au gouvernement. Il y a aussi des techniques plus sournoises qui existent, comme les fameuses portes tournantes en politique, auxquelles on réfère souvent avec l'expression anglaise, The Revolving Door, qui permettent à des individus qui sont issus du secteur privé, donc de l'industrie, de migrer vers le secteur public pour éventuellement retourner dans le secteur privé par la suite. Aux États-Unis, on a vu des cas notables de ce phénomène de Revolving Door où des personnes qui avaient travaillé pour Monsanto, pour ne pas la nommer, ont été embauchées par la Food and Drug Administration afin de justement collaborer au développement de la réglementation touchant les OGM et les pesticides. Les portes tournantes peuvent aussi se matérialiser à la suite d'un mandat public. Pensons par exemple, encore une fois, au président de CropLife Canada, qui était auparavant, analyste senior à Santé Canada. Donc, il exerçait un mandat public avant de travailler pour le privé. Et on peut donc penser que son excellente connaissance des rouages gouvernementaux, ses contacts dans l'administration fédérale, lui a été utile dans le cadre de son mandat chez CropLife. Donc toutes ces techniques-là, il n'y a rien d'illégal là-dedans, c'est vraiment important de le mentionner, mais ce sont quand même des dynamiques, des techniques, des moyens qui peuvent débalancer ou déséquilibrer le jeu normal de l'influence ou du lobbyisme.

 

ÉMILIE -  [00:29:00] Quelqu'un qui vient du privé et qui rentre pour travailler au gouvernement, je trouve ça quand même assez fou que ce soit légal.

 

STÉPHANIE YATES - En fait, c'est une question complexe. D'abord, quelqu'un qui part du gouvernement et qui va travailler dans le privé comme lobbyiste, on a quand même des lois qui encadrent ça au Canada et qui imposent un délai de carence, donc un an ou deux ans en fonction de la position qui a été occupée dans le public et qui fait en sorte qu'on ne peut pas devenir lobbyiste du jour au lendemain. Ça c'est une chose pour les portes tournantes qu'on dit à la sortie, donc après le mandat public. Les portes tournantes à l'entrée, ce que vous évoquez, soit quelqu'un qui arriverait du privé pour occuper un mandat public, c'est super compliqué à réglementer. Est-ce qu'on va interdire à des gens qui ont un passé dans une entreprise privée de se présenter comme élu par exemple ou même d'œuvrer comme fonctionnaire, est-ce que le fait d'avoir travaillé dans le privé entache nécessairement la capacité d'un individu à jouer un rôle dans le public? Je ne pense pas qu'on veuille ça comme société. Même à la limite, on peut vouloir davantage de personnes qui ont une compréhension du privé pour apporter cette compréhension dans le secteur public. Donc ce n'est pas un aspect qui est vraiment facile à réglementer ou à encadrer.

 

ÉMILIE -  Tu me parlais tout à l'heure des moyens spécifiques que les industries des pesticides utilisent pour convaincre les gouvernements. Est-ce qu'ils ont aussi des moyens pour convaincre les citoyens?

 

STÉPHANIE YATES - Oui tout à fait. C'est surtout d'abord des stratégies de communication qui sont mises de l'avant. L'industrie va être très habile pour mettre de l'avant différents types d'arguments, souvent des arguments d'autorité qui proviennent de personnes qui sont présentées comme des scientifiques ou des experts crédibles dans le domaine. Il y a des campagnes de communication sophistiquées qui peuvent être déployées, on mentionnait plutôt le fait que l'industrie a quand même beaucoup de moyens financiers pour développer ces campagnes de communication qui vont notamment se déployer sur les médias sociaux, ce qui permet notamment de cibler parfois des tierces parties favorables à l'industrie, par exemple des agriculteurs qui utilisent les pesticides pour leur culture. Donc ces tierces parties peuvent ensuite être mobilisées pour appuyer les arguments de l'industrie, ce qui ajoute encore une fois à la force des arguments mis de l'avant. Comme on le disait aussi, il y a plusieurs démarches de lobbyisme indirectes qui peuvent être mises de l'avant et qui visent finalement à faire pression en mobilisant des citoyens favorables, des tierces parties favorables aux positions de l'industrie.

 

ÉMILIE -  [00:31:33] Est-ce qu'avec tous ces moyens-là, est-ce qu'ils arrivent à leur fin ?

 

STÉPHANIE YATES - Souvent, mais pas toujours. On peut penser à l'exemple des Monsanto Papers, où finalement l'industrie a vraiment été pointée du doigt et où ses techniques mises de l'avant ont été dénoncées.

 

 

ÉMILIE - [00:33:03]  C'est quoi les Monsanto Papers?

 

STÉPHANIE YATES - Les Monsanto Papers, ça commence avec l'histoire d'un jardinier californien qui a fait usage du Roundup de Monsanto pendant des années et qui s'est vu diagnostiquer un cancer précoce, un lymphome. Il a donc poursuivi Monsanto en cours en faisant valoir que l'entreprise avait cherché à cacher le caractère nocif et dangereux du Roundup. Dans le cadre du procès que le jardinier a par ailleurs gagné, les documents déposés en Cour ont montré que plusieurs des études scientifiques sur lesquelles s'appuyait Monsanto pour faire valoir que son produit était sécuritaire, avaient été rédigées par des employés de l'entreprise, puis signées par des scientifiques. C'est ce qu'on appelle du ghostwriting, ou de l'écriture fantôme. Le fantôme, en fait, c'est l'employé de Monsanto qui rédige le papier, mais qui ne le signe pas. Le papier est donc signé par un scientifique pour donner finalement un vernis de scientificité. Et donc, ce dont on s'est rendu compte, c'est que c'était sur la base de ces fausses prémisses-là, ces études vraiment commandées par l'industrie, voire falsifiées, que les gouvernements avaient permis l'usage des composantes du Roundup et du glyphosate en particulier. 

 

ÉMILIE - Ça a été quoi l'impact de ce gros dossier?

 

STÉPHANIE YATES - En fait, à la suite de ces révélations, donc du dévoilement des Mosanto Paper, Santé Canada a accepté de revoir les études sur lesquelles s'appuyait sa décision d'autoriser le glyphosate pendant 15 ans au Canada et donc de revoir les études qui avaient été fournies, rappelons-le, par Monsanto. Donc elle n'a pas refait les études, c'est important de le mentionner, mais elle a quand même réexaminé ces études-là à la lumière des révélations. Or, à l'issue de cet examen, en 2017, Santé Canada a décidé de maintenir sa décision d'autoriser le glyphosate et a donc reconduit son homologation pour 15 ans, donc jusqu'en 2032. On peut penser qu'au Canada, les effets immédiats de cette controverse sont assez minimes. Par contre, on peut penser qu'en contrepartie, la controverse a quand même contribué à l'approche prudente qui est aujourd'hui préconisée par l'Union européenne, qui a donc prévu d'interdire le glyphosate d'ici 2023. Et puis cette saga-là n'est sans doute pas étrangère non plus à la volonté du gouvernement provincial ici au Québec et de certaines municipalités à réduire l'usage des pesticides. Je pense que ça a quand même mis cet enjeu-là dans l'agenda politique et ça a fait en sorte que les gouvernements d'autres paliers se mobilisent. Je dirais ensuite que plus largement et peut-être à moyen terme, la saga des Monsanto Paper a pu contribuer à sensibiliser les citoyennes et les citoyens au rôle des lobbies et au regard critique nécessaire à l'endroit de leur revendication et des études sur lesquelles elles reposent. Donc je pense qu'il y a quand même eu un effet de sensibilisation assez fort.

 

ÉMILIE -  [00:35:44] Est-ce que les Monsanto Papers, c'est une affaire qui est terminée?


STÉPHANIE YATES - La Cour a déterminé que Monsanto devait verser 25 millions de dollars au jardinier en question. Monsanto est allé en appel à la décision pour amener ce dossier-là en Cour suprême aux États-Unis et la Cour suprême a rejeté la requête. Alors ce dossier-là est fermé. Par contre, ce dossier-là a ouvert une brèche puisque maintenant il y a quelque 30 000 plaintes qui ont été déposées contre l'entreprise et qui sont encore en attente d'être reçus.

 

ÉMILIE -  [00:36:20] Comment peut-on faire contrepoids au lobby?

 

STÉPHANIE YATES - D'abord, je pense qu'il serait important que les gouvernements puissent compter sur une science indépendante. Donc, c'est normal que l'industrie fasse ses propres recherches, ses propres études scientifiques. Ce qui est moins normal, c'est que le gouvernement ne puisse que s'appuyer sur ses études. Donc, ça prendrait des études commandées par les gouvernements et non uniquement par l'industrie. Donc, ça, c'est une chose. Ensuite, ça prend un certain courage politique de la part des gouvernements car on s'attend à ce qu'ils priorisent la santé des citoyennes et des citoyens par rapport aux intérêts économiques. La refonte du guide alimentaire canadien montre que c'est faisable, que parfois la volonté politique peut mener justement à une priorisation des données indépendantes, scientifiques, par rapport aux intérêts défendus de part et d'autre. Ensuite, je pense que les citoyens et les groupes environnementaux, les organismes sans but lucratif, les groupes communautaires, ont tous leur rôle à jouer en se mobilisant pour faire contrepoids au grand lobby industriel. Le lobby, je vous le disais d'entrée de jeu, ce n'est pas l'apanage de l'industrie. Le lobby, les stratégies d'influence, tout le monde devraient en faire. Si on laisse l'industrie agir seule, il n'y a pas ce contrepoids qui est nécessaire à mon avis. Et enfin, je dirais que les médias doivent jouer leur rôle de chien de garde, en rester à l'affût des cas d'influence indues, dénoncer ces cas-là. Et on a des outils quand même, on a un registre de lobbyistes, à la fois au fédéral et au provincial, qui permet quand même d'avoir un regard imparfait, mais un certain regard quand même sur les démarches d'influence qui ont cours.

 

ÉMILIE -  [00:38:03] Tu parlais à l'instant des organismes en environnement, c'est quoi le pouvoir qu'ils ont pour faire contrepoids au lobby?

 

STÉPHANIE YATES -  Je pense que les groupes environnementaux disposent d'un pouvoir immense pour se faire les porte-voix des revendications citoyennes. Il y a plusieurs groupes qui sont très habiles pour mettre de l'avant des campagnes d'influence ou de lobbyisme indirectes qui passent par la mobilisation des citoyennes et des citoyens sur la place publique, dans l'espace médiatique pour enfin faire pression sur les gouvernements. Plusieurs de ces groupes environnementaux, au Québec notamment, sont très respectés et sont écoutés de la part des décideurs politiques qui doivent rendre des comptes à leurs commettants. On peut penser par exemple aux mesures très récentes adoptées au fédéral pour interdire les plastiques à usage unique, c'est une revendication de longue date de certains groupes environnementaux. Donc on voit que ces revendications finissent par porter fruit, même si bien sûr la réglementation n'est pas parfaite, il y a quand même eu un effet. Et j'ajouterais enfin que le Canada est quand même privilégié par rapport à ce qu'on voit aux États-Unis en raison des règles très strictes qui encadrent le financement des partis politiques et des campagnes électorales. Donc c'est sûr que les élus canadiens peuvent être influencés par certains lobbies qui vont disposer de ressources importantes, mais le financement de ces élus-là ne dépend pas directement de ces lobbies, contrairement à ce qu'on retrouve aux États-Unis. Donc ici au Canada et au Québec, les élus ont les coudées bien plus franches pour imposer leur vision politique que ce n'est le cas chez nos voisins du Sud. Je pense qu'il faut quand même être optimiste quant au pouvoir qu'ont ces groupes citoyens, ces groupes environnementaux de faire changer la donne.

 

ÉMILIE -  [00:39:43] Est-ce que tu trouves qu'ils font le poids face à toutes ces industries-là ? Parce que je pense à des groupes en environnement qui ont peut-être beaucoup moins de moyens financiers.

 

STÉPHANIE YATES - Effectivement, mais ce n'est pas toujours juste une question de moyens financiers. On est dans un contexte où la notion d'acceptabilité sociale a vraiment pris une ampleur au cours des 20 dernières années. Les gouvernements agissent en tenant compte quand même des doléances, des revendications, des réclamations des citoyens et des citoyennes et de ces groupes qui s'en font les porte-voix. Donc je pense que même si les moyens sont plus restreints, l'écoute que peuvent avoir ces groupes-là peut être importante. Et il y a des stratégies de communication qui ne coûtent pas très cher non plus. Donc il faut être stratégique et habile pour mobiliser finalement des techniques, des moyens de communication qui permettent d'arriver à nos fins, même sans avoir de très grands moyens financiers.

 

ÉMILIE -  [00:40:40] Là je pense aux citoyens, monsieur, madame, tout le monde, ça peut paraître des fois vraiment de gros enjeux, de gros sujets. Qu'est-ce qu'ils peuvent faire pour ça?

 

STÉPHANIE YATES -  Il y a plusieurs avenues. Les citoyens et les citoyennes peuvent aussi se faire entendre. Donc, ils peuvent participer aux consultations des gouvernements lorsqu'il y en a. Lorsque des consultations sur un enjeu qui nous préoccupe, il ne faut pas hésiter à prendre part à ces consultations-là, à signer des pétitions, à aller voir son député. Les députés sont là pour nous représenter, citoyennes et citoyens, donc il ne faut pas hésiter à les cogner à leurs portes, c'est leur devoir d'entendre leur commettant, leur commettante. Les citoyens et citoyennes peuvent aussi soutenir des organismes qui défendent des causes qui leur sont chères et donc donner leur appui symbolique ou financier à ces groupes notamment environnementaux dont on parle.

 

 

ÉMILIE - [00:41:33] Est-ce que tu penses qu'on est sur la bonne voie?


STÉPHANIE YATES - Je pense que les choses se sont quand même beaucoup améliorées depuis une vingtaine d'années. Nous avons au Québec une loi qui vise à rendre transparentes les activités de lobbyisme. On a des registres, on a le même type de loi au niveau fédéral d'ailleurs. On a des registres de lobbyistes qui sont disponibles sur le web. C'est sûr que ces réglementations-là sont loin d'être parfaites, mais elles constituent quand même un outil additionnel pour le citoyen et la citoyenne qui tente de comprendre qui cherche à influencer les gouvernements. Donc ça, c'est une chose, l'information elle est davantage disponible qu'elle ne l'était. L'autre chose c'est qu'il faut à mon avis vraiment continuer de miser sur l'éducation et la sensibilisation des citoyennes et des citoyens. D'abord en reconnaissant que le lobbyisme c'est légitime et ce n'est pas seulement l'apanage des grandes entreprises. On l'a dit, il est crucial que les groupes citoyens, les groupes environnementaux fassent contrepoids en initiant eux aussi des démarches stratégiques d'influence. Donc, il ne faut surtout pas baisser les bras.

 

Passez à l'action! Consultez l'ensemble des revendications de Vigilance OGM sur les pesticides, signez le manifeste, et participez aux futurs appels à l’action.

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Les références

Les études, mémoires et consultations

  • Les études de Stéphanie Yates (Lien)

Articles dans les médias

  • L’Agence canadienne d’inspection des aliments est-elle biaisée ?, Radio-Canada, 21 septembre 2022 (Lien)
  • Montréal interdira la vente et l'usage de 36 pesticides, dont le glyphosate, Le Journal de Montréal, 19 août 2021 (Lien
  • Laval interdit le glyphosate, une première au Québec, Le Journal de Montréal, 13 avril 2021 (Lien)
  • Monsanto Papers, U.S. Right to know (Lien)
  • Les Monsanto Papers, Enquête (Lien)
  • Santé Canada mijote un nouveau Guide alimentaire, La Presse, 2016 (Lien)
  • Oui, il faut plus de fruits et légumes dans les assiettes, Journal de Montréal 2019 (Lien)
  • Nouveau Guide alimentaire canadien: un virage attendu par notre nutritionniste Isabelle Huot, 2019 (Lien)
  • Pesticides : un lanceur d'alerte congédié par le gouvernement du Québec, Radio-Canada, 30 janvier 2019 (Lien)
  • Le président du C. A. du Centre de recherche sur les grains prêt à quitter son poste, Radio-Canada, 7 février 2019 (Lien)OGM : Ottawa présente sa réforme en utilisant les fichiers d’un lobby agrochimique, Radio-Canada, 19 septembre 2022, (Lien
  • Faut-il revoir le processus d’homologation du glyphosate?, Radio-Canada, 18 février 2019 (Lien)

Documentaires

  • Documentaire "Into the Weeds, Dewayne “Lee” Johnson vs. Monsanto Company", Jennifer Baichwal, Septembre 2022  (Lien)
  • La fabrique de l’ignorance, Arte, 2020 (Lien)
     

Autres liens

  • Les OSBL, des lobbyistes ? Ben voyons donc!, Coalition Mon OSBL n'est pas un lobby, juin 2022 (lien)
  • Ma Muncipalité sans pesticides, Campagne de Vigilance OGM (Lien)
  • L’Union des producteurs agricoles (Lien)
  • Bayer (Monsanto) (Lien)
  • Croplife (Lien)
  • Chemchina (Syngenta) (Lien)
  • Advancing Agriculture (Lien)
  • Producteurs de grains du Canada (Lien)
  • Registre des lobbys du Canada (Lien)
  • Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Gouvernement du Canada (Lien)
  • Louise Robert, Pour le bien de la terre, 28 avril 2021 (Lien)